Janvier 1871, dans un Paris ébranlé par la fin du Second Empire et le siège par les armées prussiennes, les Français se préparent à une « année terrible ». Elle est marquée par une guerre civile, largement relatée par Victor Hugo dans son recueil de poèmes publié l’année suivante. Dans la capitale, les esprits sont troublés. Beaucoup de patriotes sont révulsés par les défaites françaises. Nombre de républicains se défient de l’Assemblée nationale, qui est venue de Bordeaux à Paris, et qui semble disposée à rétablir la royauté. La classe ouvrière se soulève. De rurale, la France est peu à peu, devenue ouvrière dans la seconde moitié du XIXe siècle. Un changement de société aux profondes conséquences puisque des campagnes, arrivent des habitants en quête de travail, multipliant la population de Paris par cinq et engendrant inévitablement un accroissement de la misère.
Juchée sur les barricades, à jamais immortalisées sous les pinceaux d’Henri Lévy (1840-1904, La Commune, 1871), une femme en « uniforme militaire » s’impose comme une figure incontournable du mouvement insurrectionnel. Cette femme, c’est Louise Michel, elle a quarante-et-un ans quand, au lendemain de la Commune, son destin révolutionnaire est scellé par une condamnation à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée. Après plusieurs mois d’incarcération en Haute-Marne, puis à La Rochelle, elle quitte le territoire métropolitain en août 1873, à bord de la frégate révolutionnaire, La Virginie. Les quatre mois de traversée permettent à Louise de se rapprocher d’une autre condamnée, Nathalie Lemel, qui paraît lui avoir insufflé ses idéaux anarchistes. Dans ses Mémoires, Louise reconnaîtra que « l’anarchie seule peut rendre l’homme conscient, puisqu’elle seule le fera libre » ; en tout cas, cet état d’esprit persistera jusqu’à la fin de sa vie et au fil de ses diverses prises de position. Ayant bénéficié de la loi d’amnistie du 11 juillet 1880, sa peine est commuée à dix années de bannissement. Ainsi, elle peut rejoindre la France où un chaleureux accueil l’attend.
Après la Commune, Louise Michel devint une référence historique, tantôt comparée à Jeanne d’Arc, tantôt à une « Vierge noire ». Pourtant, dès les premières années de sa carrière professionnelle, son engagement contre le pouvoir en place était déjà bien présent. Tout juste majeure, après des études pour devenir enseignante, elle refusa de prêter serment à Napoléon III, ce qui l’empêcha d’exercer son métier. Assumant ses convictions, elle créa une première école libre à Audeloncourt avant de rejoindre Paris où elle épousa le militantisme en se rapprochant de ses têtes, comme le communiste Auguste Blanqui, Jules Vallès, le journaliste fondateur du Cri du peuple, ou le très révolutionnaire Émile Eudes. Elle contribua régulièrement à des journaux d’opposition et fut l’invitée récurrente des rassemblements ouvriers où elle déchaînait les passions en fédérant les opposants à une cause révolutionnaire. Elle fut condamnée à de nombreuses reprises, à de lourdes peines, ces sentences mettant en exergue les craintes qu’elle pouvait inspirer au pouvoir.
Le militantisme étant la colonne vertébrale de la vie de Louise Michel, il se déploya en une multitude de facettes, parmi lesquelles le féminisme, dont elle était l’une des pionnières. Persuadée que la « question des femmes est, surtout à l’heure actuelle, inséparable de la question de l’humanité », elle incita les femmes socialistes à rejoindre le mouvement révolutionnaire sans confondre sa voix à celles des « suffragettes » qui réclamaient le droit de vote pour les femmes. Bien qu’opposée à l’égalité civique, elle revendiquât pour les femmes, un enseignement, une parité, une reconnaissance et un salaire communs à ceux des hommes.
À travers ce portrait d’une femme rebelle qui a vécu fiévreusement chacun de ses combats au nom de la cause libertaire, nous comprenons combien elle fut, et demeure aujourd’hui encore, une icône et le symbole du refus de tout compromis avec le pouvoir, de la lutte pour un changement radical de la société.
En outre, Louise Michel a pleinement traversé son siècle, marqué à sa naissance par les Trois Glorieuses, à son adolescence par le Printemps des peuples, et à l’âge adulte par la Commune et le centenaire de la Révolution française.
Celle, qui inspira de son vivant, les grands noms de notre histoire, tels que Clemenceau, Hugo — qui lui dédia un poème « Viro Major », ciment de sa postérité — continue d’inspirer à nos contemporains beaucoup d’enthousiasme et de reconnaissance. Elle fait partie de ces femmes qui ont « réveillé la France ».
©Eulalie Giraud
Correctrice : Isabelle Bénard
Laisser un commentaire