« Vous avez l’affreuse nouvelle, ma bonne Rose […]. Tous ces hommes qui devaient nous donner la liberté l’ont assassinée » déclara Marie Anne Charlotte de Corday d’Armont, plus communément appelée Charlotte Corday, à une amie. Une semaine plus tôt, le 21 janvier 1793, mourait sur l’échafaud Louis XVI.
Six mois plus tard, c’est elle qui périssait sous le couperet du « rasoir national », vêtue de la chemise rouge des parricides pour avoir poignardé, de sa seule main de femme, Jean Paul Marat.
Surnommée à souhait par Hébert de « garce du Calvados » et d’« ange de l’assassinat » par Lamartine, qui est vraiment Charlotte Corday ? Une royaliste illuminée ? un bourreau assumé ? ou à l’inverse une martyre et une héroïne en quête de liberté ?
Une femme éprise de justice par essence
Charlotte Corday est née dans l’Orne le 27 juillet 1768. Son père est un gentilhomme et un ancien lieutenant aux armées du roi, elle est originaire d’une famille de la petite noblesse, bien qu’infortunée. Elle grandit dans la paisible campagne normande aux côtés de ses grands parents qui furent des « soixante-huitards avant la lettre » (Patrick Laverny) contestant une multitude de principes de l’ordre établi, dont les privilèges de l’aristocratie de laquelle ils étaient pourtant issus. Cette soif de justice sociale fut le fil conducteur de sa courte vie qu’elle alimente de lectures cornéliennes, mais aussi d’auteurs des Lumières.
Femme cultivée et héritière de l’œuvre de Corneille, dont elle est l’arrière-petite-fille, elle incarne les valeurs de courage, de sacrifices et d’honneur véhiculées dans ses tragédies : le destin de Charlotte semble tout tracé alors même qu’une Révolution se profile.
Une Révolution, qu’elle vit pleinement en adolescente pensionnaire de l’Abbaye des Dames. En effet, sept jours après la prise de la Bastille, les émeutiers s’emparent des fusils conservés au château de Caen, condamnant ainsi le gouverneur Belzunce à la décapitation. Sa tête, promenée sur une pique à la manière de celle du gouverneur de Launay, est agitée devant les fenêtres de l’institution. Il était le petit-neveu de la Mère Abbesse.
Une justicière au cœur de la Révolution
Charlotte Corday évolue dans une société où la femme n’est pas considérée, elle n’a pas le droit d’expression et encore moins celui de voter. Ses contemporaines, Olympe De Gouge ou Manon Roland l’auront, par leur destin, démontré.
En 1791, au début de la Terreur, Charlotte rejoint sa tante Madame de Bretteville à Caen. Plus exactement rue des Carnes, à proximité du club des girondins au sein duquel le devenir de la République était sujet constant. À cette même époque, la figure de Jean-Paul Marat s’impose dans la vie publique. Député de la Convention, il est réputé pour ses prises de position contre les girondins qui participaient au renversement de celle-ci. Il publie régulièrement dans son journal, l’Ami du peuple, des listes de noms à exécuter pour sauver la Révolution.
« J’ai tué un homme pour en sauver cent mille. »
Considéré par Charlotte comme un « fanatique énergumène » qui pervertit la France, elle clame, lors de son procès, qu’elle a choisi de « tuer un homme [Marat] pour en sauver cent mille », de tuer « un scélérat pour sauver des innocents », de tuer « une bête féroce pour donner le repos » à son pays.
De sa seule main de femme, et parce qu’elle estime que les hommes manquent de courage, elle poignarda dans sa baignoire l’adulé personnage en plein cœur. La scène est immortalisée sous les pinceaux de Jacques-Louis David, à la demande de la Convention.
Après un procès expéditif durant lequel elle ne manqua pas de courage, à l’instar des personnages des œuvres de son aïeul, elle est condamnée à mort. Vêtue de la tenue du condamné, sa tête est tranchée trois jours après son forfait macabre, le 17 juillet 1793, soit dix jours avant son vingt-cinquième anniversaire. Elle compte parmi les dix-sept mille personnes qui furent guillotinées entre 1791 et 1794, parmi lesquelles Louis XVI et Marie-Antoinette.
Si elle ne demeure qu’une condamnée parmi tant d’autres à cette époque, elle devient un siècle plus tard une véritable icône de la Révolution. Elle qui fit le don de sa personne pour le bien commun dans un souci de justice. Elle est aujourd’hui l’héroïne d’une « Histoire de France au féminin ».
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