Marie-Antoinette : La femme avant la reine


Si Marie-Thérèse d’Autriche et Marie Leszczynska ont été des reines discrètes, évincées de la postérité par le charisme des illégitimes, Marie-Antoinette d’Autriche (1755-1793) a su marquer de son empreinte l’histoire de France. De par son attrait pour les arts et sa passion amoureuse pour le comte suédois Hans Axel de Fersen (1755-1810), la dernière reine de l’Ancien Régime n’a jamais renoncé à sa vie de femme. Bien que la Révolution l’ait fauchée en pleine jeunesse, elle n’a cessé depuis de fasciner cinéastes, historiens et écrivains, au point que nous ne comptons plus le nombre d’œuvres qui lui sont consacrées. Il est donc forcé de constater que celle que l’on surnommait « Madame Déficit » a connu dans l’immortalité que confère l’Histoire la repentance à laquelle elle a toujours aspiré.

Les jeunes années d’une reine.

La guerre de Sept Ans (1756-1763) opposant la coalition franco-autrichienne à la coalition anglo-prussienne marque les années 1760. Mettant à contribution les colonies françaises comme anglaises, il s’agit du premier conflit mondial selon la définition contemporaine du terme. Le royaume de Louis XV en sort plus meurtri que jamais. Outre la perte de nombreux territoires, c’est l’image de la France à l’étranger qui est considérablement ternie. En réponse à cela, le duc de Choiseul, premier ministre en exercice, sous les conseils de la favorite d’alors, la marquise de Pompadour, a l’idée de renforcer la puissance française en scellant une alliance pérenne avec l’Autriche. Comme au temps du traité des Pyrénées, le mariage apparaît comme la meilleure alternative : le dauphin épousera une Hasbourg, héritière du Saint-Empire Germanique. 

Pénultième enfant d’une grande fratrie – quinze enfants – de l’Empereur François Ier du Saint-Empire et de Marie-Thérèse, archiduchesse d’Autriche et reine de Hongrie, Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Hasbourg-Lorraine est née le 2 novembre 1755. Contrairement à la Cour française où règne le faste et la profusion, l’Empire autrichien tend à privilégier un luxe discret ainsi qu’une éducation centrée sur les arts et les lettres. L’étiquette étant moins stricte que dans l’hexagone, la petite Marie-Antoinette passe une enfance relativement simple, auprès des siens. Elle vagabonde avec ses sœurs dans la campagne avoisinant le château, tout en pratiquant de nombreux instruments. Ce sont des jeunes années somme toute communes que vit la petite fille. Ce protocole allégé ne tardera pas à lui manquer une fois dauphine puis reine de France tant le gouffre séparant les deux royaumes se révèle abyssal. 

La mort de son père alors qu’elle n’a que neuf ans bouleverse l’équilibre de la famille puisque l’impératrice prend en main seule l’éducation de ses enfants. C’est à contrecœur et par respect pour la volonté de son défunt époux que cette dernière accepte de céder sa fille au royaume de France, alors qu’en Autriche les mariages d’inclination sont déjà favorisés aux mariages arrangés. Il faudra néanmoins attendre que la jeune Marie-Antoinette soit « réglée » pour qu’elle puisse poursuivre ce destin tracé pour elle quelques années plus tôt. Ce jour finit par arriver le 7 février 1770. Elle n’a alors que quatorze ans.

Après une correspondance intensive entre l’impératrice et le duc de Choiseul, la jeune fille renonce officiellement à ses droits sur la couronne d’Autriche avant de quitter l’Empire qui l’a vue naître. Elle ne reverra jamais sa mère de son vivant. Le mariage par procuration a lieu le 19 avril 1770 à l’église Saint-Augustin. Au préalable, la jeune fille a dû se départir de tous les effets provenant de son pays, de ses vêtements à son chien en passant par sa langue maternelle, afin de symboliser sa renaissance française. Si le dauphin n’a pas encore vu sa future épouse, les échos qui parviennent à Versailles sont élogieux. On décrit l’adolescente comme belle et gracieuse, bien qu’elle n’ait pas de « gorge » équivalent actuel de poitrine, elle remporte tous les suffrages et ce, sans avoir encore fait son entrée à la Cour. Marie-Antoinette n’est que peu enchantée par les réjouissances. Elle envisage même le tremblement de terre survenu à Lisbonne le jour de son arrivée sur le sol français comme étant un présage de mauvais augure. La suite de sa vie lui confirmera qu’elle avait raison.

Le cortège traverse de nombreuses villes où le peuple se presse pour apercevoir celle qui deviendra leur reine un jour prochain. De Strasbourg à Châlons-sur-Marne, Marie-Antoinette fait la connaissance de figures princières comme de membres éminents du clergé. La barrière de la langue ne l’empêche pas d’acquérir la sympathie de ceux qu’elle rencontre. Le voyage prend fin à Compiègne où l’attend le duc de Choiseul dont elle a tant entendu parler. Le mariage sera célébré le 16 mai 1770 à Versailles, en présence du grand-père de la jeune fille, Léopold Ier, d’ambassadeurs et de l’ensemble de la Cour. 

Hasard ou non, de nombreux incidents viennent ternir la fête comme autant de mauvais présages. Si un scandale éclate après que Léopold Ier a invité la cousine de Louis XV à danser, allant à l’encontre de l’étiquette française, c’est l’ incendie qui éclate lors de la fête qui marque le plus les noces. Plus de cent victimes sont recensées après l’explosion des fusées censées offrir aux invités un feu d’artifice légendaire. De plus, aucun courtisan ne veut valser avec la jeune mariée. Pire encore, les dames prennent un malin plaisir à ignorer celle qu’elles surnomment déjà avec insolence « l’autrichienne. » Autant de choses qui promettent une intégration difficile pour la future souveraine. Quant à la nuit de noces, elle s’avère calamiteuse tant les jeunes gens ignorent tout de l’amour. Cela n’empêche pas le dauphin de tomber immédiatement amoureux de sa femme.

L’inconscient populaire fait de Louis XVI un roi sot, dépourvu à la fois d’instruction et de savoir-faire politique. Décrit comme particulièrement niais, le portrait que la postérité a fait de lui se révèle non seulement peu flatteur mais surtout incorrect. En effet, s’il est devenu dauphin suite aux décès de ceux qui étaient initialement pressentis pour diriger le royaume, il a bénéficié d’une éducation soignée prestement supervisée par Louis XV. D’un naturel curieux, la politique extérieure devient rapidement sa matière de prédilection si bien qu’il se familiarise très tôt avec les différents types de gouvernement qui naissent à l’étranger. Jeune homme introverti, tous les jours, le futur roi grimpe sur les toits de Versailles pour méditer avant de partir à la chasse où il excelle. S’il est, certes, décrit comme taciturne et introverti, il n’en demeure pas moins des plus réfléchis. Le dauphin a seulement quinze ans lorsque le mariage est scellé. Aussi, s’il aime son épouse, le jeune homme peine à le lui faire comprendre. De son côté, Marie-Antoinette ne ressent pas l’attirance que ressent son mari à son égard. Bientôt s’instaure une forme d’amitié amoureuse platonique entre les adolescents, au grand dam de Louis XV et de l’impératrice d’Autriche qui guettent l’arrivée d’un héritier. 

Les premières années de Marie-Antoinette à la Cour ne sont pas de tout repos. Comme son mari, elle déteste l’atmosphère de débauche et de luxure qui émane de la cour française. Ayant été élevée dans la simplicité, c’est d’un œil particulièrement critique qu’elle envisage les mœurs qui l’entourent. Détestée par la majorité des courtisans, l’adolescente se rapproche des « filles du roi » lesquelles nourrissent une inimitié féroce envers la favorite en titre, Jeanne du Barry. N’acceptant pas l’idée que la maîtresse de Louis XV soit une ancienne prostituée, ces dévotes n’ont de cesse de dénigrer cette dernière. Marie-Antoinette leur emboîte le pas, refusant même de saluer la favorite en présence du roi. Si son mari est trop épris pour condamner son comportement, il n’en est pas de même pour Louis XV qui ne manque d’exiger que la dauphine se montre davantage avenante envers sa maîtresse. 

Dans la correspondance entre Marie-Antoinette et sa mère, la jeune fille n’aura de cesse de décrier la présence d’une ancienne galante à la Cour. L’impératrice comprenant sa fille, lui demande cependant de se montrer plus conciliante : pour le bien de l’alliance entre les deux pays, il ne faudrait pas que les états d’âmes de Marie-Antoinette engendrent sa répudiation. La jeune fille finit donc par s’adresser à Jeanne du Barry par ces célèbres mots «  Il fait beau à Versailles  aujourd’hui » pour preuve de sa bonne volonté. Les « filles du roi », se sentant trahies par la jeune fille dans leur campagne de dénigrement vis-à-vis de la favorite de Louis XV, lui retireront la parole. De plus, le départ du duc de Choiseul, son principal allié tombé en disgrâce à la demande de Jeanne du Barry, la laisse profondément esseulée. Ainsi Marie-Antoinette n’a d’autre choix que de se replier sur elle-même avant de pouvoir se créer un espace à elle, loin des manigances de cour, le petit Trianon qu’on rebaptisera plus tard « le hameau de la reine. »

A royal affair.

L’année 1774 marque un tournant décisif dans la vie de Marie-Antoinette. Le roi Louis XV meurt de la variole le 10 mai, l’amenant à devenir à dix-huit ans seulement reine de France et de Navarre. Elle en profite pour inciter son mari devenu Louis XVI à chasser définitivement Jeanne du Barry de la Cour. L’ancienne favorite est donc exilée au couvent loin de Versailles, rendant ainsi Marie-Antoinette victorieuse de leur rivalité. À l’automne, la jeune reine fait une rencontre qui change le cours de sa vie. À l’issue de son Grand Tour d’Europe, le comte suédois Axel de Fersen fait son entrée à la Cour de France. Contemporain direct de Marie-Antoinette – ils sont tous deux nés en 1755 – il est doté d’une beauté indéniable. Telle une statue grecque ayant pris forme humaine, le comte suédois possède des traits parfaits sur une silhouette élancée, chose qui ne manque pas de favoriser son intégration auprès des courtisanes.

La rencontre a lieu au grand bal de l’Opéra où Marie-Antoinette se rend incognito sous un masque. Lui ignore tout de l’identité de celle avec qui il minaude, quant à elle, elle jubile de redevenir, le temps d’une soirée, une jeune fille comme les autres. Le rapprochement a lieu, scellant le début d’une histoire d’amour qui ne prendra fin qu’au décès d’Axel de Fersen près de quarante plus tard.

S’ils se sont déjà brièvement croisés à la cour d’Autriche lorsqu’ils étaient enfants, le coup de foudre entre Marie-Antoinette et Axel de Fersen est immédiat. La jeune souveraine n’ayant connu qu’une amitié tendre pour son époux, elle découvre la passion issue du sentiment amoureux. Bientôt reparti pour les besoins de son titre, la correspondance entre la jeune souveraine et le comte ne cessera pas qu’en 1778, lorsque ce dernier s’installera définitivement à la cour de France.

Si Marie-Antoinette a toujours décrié les extravagances de « La du Barry », une fois reine, elle développe un attrait similaire à celui de sa rivale pour la mode. D’ores et déjà critiquée pour ne pas avoir donné un héritier au trône, elle se renferme pour un goût avéré pour les belles robes et l’apparat. Ses coiffures à plusieurs étages l’empêchent parfois de passer les portes comme ses robes volumineuses. La reine est de plus en plus belle. Blonde aux yeux bleus, elle possède un visage long et fin qui font d’elle une magnifique jeune femme. Le roi est sensible à la beauté de sa femme, acceptant toutes ses folies en termes de vêtements coûteux et de bijoux. Ce luxe si ouvertement affiché, notamment dans les portraits annuels de la reine, fait jaser le peuple. Aussi, les quolibets ne cessent de proliférer, comme il en était autrefois le cas pour Jeanne du Barry. On dit la reine stérile et le roi impuissant. Des images à caractère pornographique mettant en scène Marie-Antoinette passent la porte de Versailles, emmenant la jeune femme à se replier davantage sur elle-même. La Cour lui étant ouvertement hostile, elle se sépare des vieux aristocrates pour finalement s’entourer d’un groupe d’amis dit de favoris composée de la comtesse de Polignac, de la dévote princesse de Lamballe, du duc de Lauzun, le baron de Besenval, le duc de Coigny et plus tard d’Axel de Fersen.

Lassée de la vie de Cour et profondément atteinte par l’hostilité de son peuple, Marie-Antoinette décide d’aménager un coin à elle où elle pourra se ressourcer à sa guise. Le roi lui octroie le Petit Trianon, d’abord construit pour Madame de Pompadour avant d’être occupé par Jeanne du Barry. Nostalgique de son enfance bavaroise, elle désire que ce lieu ressemble à une ferme typique des campagnes autrichiennes. Si le hameau de la reine est initialement disposé comme un jardin anglais entouré de maisonnettes en chaume, l’ajout d’une laiterie et l’introduction d’animaux accentuent son côté bucolique. La reine mange les légumes qu’elle fait pousser, boit le lait de ses vaches et passe des heures entières autour du lac qu’elle fait construire. La simplicité de la vie à Trianon lui donne la force nécessaire pour assumer ses responsabilités. Bientôt, elle renoue également avec les arts et les lettres. En effet, friande des pièces de Beaumarchais et des vaudevilles en vogue, la reine fait construire un théâtre dans son hameau. Si la dépense fait parler, les matériaux utilisés sont principalement du plâtre et du bois, chose qui témoigne de la gratuité des ragots. Entourée de ses favoris, Marie-Antoinette donne parfois la réplique, défrayant la chronique et s’émancipant de l’étiquette, en jouant des rôles de domestiques. Le roi vient souvent l’admirer, se comportant davantage comme un mari épris que comme un monarque. On rapporte une Marie-Antoinette douée pour la comédie, prompte à apprendre son rôle en un temps record. Un loisir qui choque autant qu’il interpelle. Et pour cause, une reine qui joue les fermières et qui interprète des personnages de servante ne peut laisser personne indifférent.

Dans sa singularité, Marie-Antoinette s’éloigne de l’archétype de la reine effacée comme Versailles en a connu depuis des décennies. Louis XVI, à l’inverse de ses aïeuls, ne prendra pas de favorite. S’il n’est pas intéressé par l’amour physique, l’admiration qu’il nourrit envers sa femme le comble. Malgré leur équilibre, le couple royal dont le mariage n’est pas encore consommé, n’a pas encore d’héritier. Aussi, l’impératrice décide de s’en mêler afin de sortir sa fille de l’embarras et éviter sa possible répudiation.

La question des enfants taraudant la jeune femme, elle tombe sous le charme d’un garçonnet, Armand Gagné durant un de ses déplacements en province. Orphelin de mère et de père, il vit auprès de sa grand-mère. D’une beauté angélique, la reine décide de le ramener à Versailles afin de l’adopter. L’enfant se montre d’abord réticent avant de céder aux effusions de la jeune femme. Armand devient le premier fils du couple royal mais la France entière attend, plus que jamais, un héritier.

Le 19 avril 1777, le fils aîné de Marie-Thérèse d’Autriche, Joseph, fait son entrée à la Cour. Il devient rapidement le confident du couple et leur donne de précieux conseils pour qu’ils deviennent parents. Un an plus tard, Marie-Antoinette accouche d’une petite fille, Marie-Thérèse Charlotte. Après une fausse couche en 1779, elle donnera naissance au dauphin, Louis-Joseph en 1781 puis à Louis Charles en 1785 et enfin à Sophie de France en 1786. 

Leur descendance assurée, le couple royal peut désormais se consacrer aux affaires du royaume. Marie-Antoinette, en dépit de sa propension à flâner à Trianon et à donner la réplique à ses favoris, s’intéresse de plus en plus à la politique intérieure, adoptant un rôle de conseillère auprès de son époux. 

Si l’équilibre de la famille royale semble prendre forme, c’est sans compter sur le retour d’un amour qui ne demande qu’à être ravivé : Axel de Fersen, désireux de se rapprocher de Marie-Antoinette, s’installe à la Cour.

Un triangle amoureux.

Axel de Fersen pose ses bagages à la Cour le 25 août 1778, pour le plus grand plaisir de Marie-Antoinette. C’est à cette occasion qu’il prononcera la fameuse phrase : « C’est une ancienne connaissance, le reste de la famille ne me dit pas mot. » Très vite, le comte suédois intègre les favoris de la reine, ce qui engendre la création de moments privilégiés. Ils partagent désormais une vraie intimité au sein du hameau de la reine. Dans le jardin se trouve même une alcôve à l’abri des regards où les jeunes gens, alors âgés de vingt-trois ans, aiment passer du temps. Passage à l’acte ou pas, nous n’avons nulles certitudes, ce qui est certain, c’est que des liens solides se créeront durant cette période. Si Marie-Antoinette aime son mari et admire ses qualités de monarque, c’est une relation davantage complice qu’elle entretient avec son amant. Durant deux ans, le couple illégitime vivra, en secret, une liaison passionnée, s’attirant les jalousies d’une bonne partie des courtisans.

En 1780, Axel de Fersen est envoyé en Amérique où fait rage la guerre d’indépendance. Désemparée par son départ, Marie-Antoinette se rapproche alors de son mari en devenant une conseillère politique de choix. Les premiers ministres se succédant, Louis XVI a plus que jamais besoin d’être épaulé et il trouve dans son épouse le soutien dont il a besoin. Par ailleurs, il est rassuré dans sa masculinité de retrouver la pleine attention de sa femme après avoir été tant délaissé.

C’est un mariage basé sur l’amitié et le respect qui unit le couple royal. Aussi, la reine ne pourra jamais se résoudre à faire souffrir son mari bien que son cœur de femme amoureuse penche invariablement vers le bel Axel de Fersen. Les deux relations ne se ressemblent en rien mais comblent à elles deux les besoins de la souveraine. Louis XVI lui apportant fidélité et constance, Axel de Fersen, passion et piment.

Entre 1780 et 1783, le couple illégitime entretient une importante correspondance. Dans son journal, le comte suédois donne à Marie-Antoinette le pseudonyme de Joséphine. À son retour, il est profondément marqué par les horreurs de la guerre. Aussi ne cache-t-il pas avoir connu de nombreuses femmes durant leur séparation forcée. Doté d’un physique fort avantageux, Axel de Fersen plaît aux femmes et il le sait. S’il n’aime que sa royale amante, le comte suédois multiplie les conquêtes pour noyer le chagrin engendré par la frustration de ne pas être le seul homme de la vie de Marie-Antoinette. Il refusera néanmoins de se marier afin se conserver intact son amour pour la jeune femme.

Cette dernière, alors détestée par le royaume car considérée comme la responsable de la crise économique que traverse le pays, se voit attribuée le surnom entré dans la postérité de « Madame Déficit. » Sa popularité est au plus bas comme celle de Louis XVI à qui on reproche l’investissement de la France dans la guerre d’indépendance américaine. L’affaire du collier, sinistre machination dans le but de la discréditer, achèvera d’asseoir son impopularité. C’est donc dans un contexte particulièrement difficile que les amants se retrouvent. Exacerbée par le manque créé par une si longue absence, leur passion se scelle et s’intensifie.

Les visites intimes se multiplient jusqu’à l’installation définitive d’Axel de Fersen à Versailles. Le comte loge dans l’hôtel de Luynes, près des appartements de Marie-Antoinette afin de favoriser les rencontres nocturnes. Le couple passe ses journées ensemble auprès des favoris de la reine, lesquels ne manquent pas de s’absenter pour leur laisser des moments d’intimité. Aussi, des doutes quant à la paternité du dauphin jailliront à la Cour bien que rien ne soit réellement prouvé. Pour éviter le scandale, Axel de Fersen rend régulièrement visite à ses généraux, s’absentant ainsi une dizaine de jours pour apaiser l’ardeur des rumeurs.

Le roi, atteint par les messes basses autour de son enfant, fera preuve d’un grand détachement à l’égard de ce dernier, refusant même de l’appeler « mon fils ». Il est d’ailleurs rapporté une forte ressemblance entre le petit garçon et Axel de Fersen, ce qui continue à entretenir le doute jusqu’à l’étranger. Pour éviter le scandale, le comte quitte momentanément la cour afin d’apaiser la colère du roi et ainsi se faire oublier. La reine se retrouve alors face à un mari jaloux désireux de profiter de l’absence de son rival pour marquer des points. Le couple de parents se retrouvent donc souvent à Trianon où ils dégustent ensemble les fruits et légumes du jardin. Le roi s’intègre même aux parties de billard dont raffole sa femme. De son côté, Marie-Antoinette, qui a besoin d’admirer pour aimer, se laisse attendrir par les efforts incommensurables de Louis XVI pour maintenir son royaume debout. Fière d’être la femme de celui qui se bat pour garder vivante la dynastie des Bourbons, elle sera à ses côtés dans les décisions les plus importantes à prendre. De son côté, Axel de Fersen multiplie les liaisons par dépit tout en continuant d’écrire à sa « Joséphine. »

La chute d’une reine

Le 5 mai 1789, Louis XVI convoque les États-Généraux. La Révolution est aux portes de Versailles et le roi n’a pas d’autre choix pour tenter de calmer l’ardeur des révolutionnaires. Le train de vie luxueux de Marie-Antoinette est pointé du doigt, son aménagement du Petit Trianon en ferme bucolique se voit scruté puis tourné en dérision. Un malheur n’arrivant jamais seul, le dauphin contracte la tuberculose. Le couple royal, au chevet de l’enfant, se replie sur lui-même, face à son déclin progressif, rendant presque anecdotique la crise politique qui se joue simultanément.

Au terme de plusieurs mois d’agonie, Louis-Joseph décède le 4 juin faisant de son frère cadet, Louis-Charles, âgé de quatre ans à peine, l’héritier de la couronne. Ironie du sort, ce dernier contractera la même maladie quelques années plus tard, lors de son internement au Temple, laquelle lui sera également fatale.

Marie-Antoinette garde le berceau de naissance de Louis-Joseph aux côtés de son lit tant les événements ne lui permettent pas de faire son deuil. Le roi et la reine se rapprochent dans leur douleur. Comme des parents ordinaires, l’épreuve de la mort d’un enfant les fragilise et les emmène à se soutenir mutuellement.

Le dernier premier ministre en date, Jacques Necker, rend sa démission début juillet. La vox populi interprète ce départ comme une volonté du roi de régner seul. C’est de ce malentendu que naît la prise de la Bastille. Marie-Antoinette veut convaincre le roi de s’exiler tant la violence du peuple paraît incontrôlable. On raconte que sa tête ainsi que celles de ses favoris sont mises à prix, ce qui pousse la reine à se renseigner sur une possible contre-révolution.

Le 14 juillet 1789 a pourtant commencé comme une journée ordinaire à Versailles. Le roi, parti chasser à l’aube, apprend que des émeutiers se dirigent vers le château. Il met fin à son loisir et s’en va rejoindre la reine qui n’est pas encore réveillée. À peine le temps de rentrer que les révolutionnaires ont déjà tranché la tête des gardes. Ils font irruption dans l’entrée principale, massacrant un à un, serviteurs et courtisans. La reine, alertée par sa suivante, empruntera la porte dissimulée derrière son lit, la même qui lui permettait de rejoindre Axel de Fersen ou encore sa salle de bains privative. Accompagnée de sa servante, elle gagne les appartements de ses enfants à la lueur du flambeau, sans savoir que son mari déambule à son tour dans les passages secrets pour la retrouver. Certains de ses favoris se glissent péniblement dans un petit salon où la reine finit par faire son entrée. Le peuple gagne du terrain, saccageant même la chambre où Marie-Antoinette dormait quelques minutes plus tôt. La tête des gardes du corps de la famille royale sur des piques, c’est la reine qu’ils viennent chercher. Alors que tous s’inquiètent du roi, ce dernier jaillit à son tour de la porte secrète, soulagé de retrouver sa femme et ses enfants qu’il cherchait en vain. Si elle demeure calfeutrée un temps, la famille royale ne tardera pas à être arrêtée puis installée aux Tuileries. Marie-Antoinette ne reverra jamais ni Versailles ni le hameau qu’elle a tant aimé. 

Ayant appris l’arrestation de sa dulcinée, Axel de Fersen gagne à son tour Paris où il s’installe en toute discrétion. Le roi, la reine et leurs enfants sont enfermés dans le palais des Tuileries, résidence royale alors abandonnée, et ils ne peuvent s’en échapper. Les différentes entrées étant très surveillées, il lui est impossible de rejoindre Marie-Antoinette sans risquer d’être, à son tour, arrêté. La seule solution pour les amants de communiquer se révèle, à nouveau, les lettres.

Marie-Antoinette et Axel de Fersen entament donc une correspondance entièrement codée où ils glissent des mots doux et entreprennent de mener à bien la contre-révolution. Leurs missives se divisent en deux catégories : diplomatiques, où le comte instruit la reine de ce qui se passe à l’extérieur des Tuileries, et sentimentales, où tous deux se déclarent leur amour. Le langage est finement crypté à l’aide d’un chiffrement spécifique dont seuls eux deux ont le secret. Ils utilisent parfois l’encre invisible afin de dissimuler les passages les plus tendancieux. Un système de gribouillage intervient lorsque le couple se montre particulièrement passionné et explicite. Il faut dire que le courrier est surveillé et que le roi peut tomber, par mégarde des messagers, sur une réponse de son rival. 

Axel de Fersen est, plus que jamais, décidé à sauver la femme qu’il aime. Aussi, monte-t-il un projet d’évasion finement élaboré pour mettre Marie-Antoinette en lieu sûr. Il faut dire que la révolution gronde et plus que jamais le sort du couple royal se voit menacé. Ainsi s’organise sur deux ans ce que nous nommerons plus tard la fuite à Varennes, motivé par un amour toujours aussi intense et une abnégation amoureuse sans comparaison. Avec l’aide du duc de Breteuil, ancien ministre de la Maison du roi et de Paris, le plan se dessine. Reste à convaincre Louis XVI.

Depuis la mort du dauphin et la prise de la Bastille, le roi souffre de dépression. Louis XVI est amorphe, apathique, particulièrement passif concernant son sort et celui des siens. Marie-Antoinette doit prendre les devants pour qu’il accepte l’idée de l’évasion. S’il voit d’un très mauvais œil l’implication d’Axel de Fersen dans cette fuite, il se laisse finalement convaincre par sa femme. La date est fixée pour la nuit du 20 juin 1791. Le roi devra se déguiser en valet pour échapper à la surveillance de La Fayette et se glisser hors du palais.

Mettant ses compétences militaires à profit, Axel de Fersen a tout prévu pour sauver sa bien-aimée. Toutes les étapes du voyage sont minutées, ne laissant nulle place au hasard. Le but étant de rejoindre Montmédy où se trouve un allié de choix, le marquis de Bouillié, général en chef de la brigade de la Meuse, et d’ainsi accélérer la contre-révolution tout en plaçant Marie-Antoinette hors de danger.

Axel de Fersen se charge personnellement des enfants tandis que Marie-Antoinette rejoint la troupe clandestine par ses propres moyens. Élisabeth de France, sœur de Louis XVI, est également du voyage. En revanche, le marquis d’Agoult est finalement écarté au profit de la gouvernante des enfants, chose qui jouera en défaveur de la famille attendu que celui-ci est doté d’une parfaite connaissance des régions françaises. La voiture quitte Paris en toute discrétion, sans être stoppée par les gardes qui quadrillent la ville. En revanche, l’ambiance parmi les voyageurs se révèle étouffante car, au stress de l’évasion, s’ajoutent les mauvais sentiments de Louis XVI vis-à-vis de son rival. Aussi, ce dernier exige son départ à Bondy, au premier relais, perdant ainsi, après le marquis d’Agoult, sa seule chance de parvenir à destination. Le manque d’expérience du roi scellera l’issue malheureuse que nous connaissons.

Devenu le seul homme de l’équipage, Louis XVI ne cessera d’accumuler des retards inutiles, notamment en initiant un long pique-nique ou encore en se montrant imprudent en discutant avec des paysans lors d’un relais. Il sera même reconnu par un royaliste, lequel se gardera, par ses convictions monarchiques, de donner l’alerte.

L’alarme est donnée à sept heures le 21 juin – soit l’heure du réveil du roi et de la reine – la nouvelle de l’évasion se propage rapidement à la province, principalement aux tenanciers de relais. Cette agitation sans précédent profitera au frère de Louis XVI, futur Louis XVIII, qui fuira Paris pour Mons et échappera ainsi à son destin. De son côté, Axel de Fersen se dirige déjà vers la Belgique afin de se mettre en sécurité. Il y retrouvera une de ses maîtresses, la mécène qui a financé sans le savoir la fuite de la famille royale.

Ayant accumulé retard sur retard, la berline royale subit un autre alea : une roue est engluée dans de la boue, chose qui contraint le convoi à s’arrêter à nouveau. La présence d’un second homme aurait sûrement accéléré la réparation mais, pour l’heure, le roi est le seul à pouvoir accomplir la besogne, ce qui prend un temps considérable. Si la chance sourit au couple lorsqu’un garde ayant séjourné à Versailles les reconnaît sans prévenir les autorités, le voyage se termine à Varennes-en-Argonne, durant la nuit du 21 au 22 juin 1791. Dès l’aube, la famille royale est ramenée à Paris. Là-bas, une pétition réclame déjà la création d’une république.

De retour aux Tuileries, Marie-Antoinette écrit à son frère devenu l’Empereur Léopold II l’année précédente. Elle lui confie la volonté de l’Assemblée constituante de transformer la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle. Le souverain est d’ores et déjà au courant de la tentative d’évasion qui a fait grand bruit en Europe. Physiocrate, philosophe et animé par un progressisme avant-gardiste – il œuvrera notamment pour l’abolition de la peine de mort – Léopold II verra d’un œil positif la refonte du pouvoir. Ne soutenant pas sa sœur au profit des révolutionnaires, il ne lui sera d’aucun secours. La reine peut cependant compter sur le soutien indéfectible d’Axel de Fersen qui, de son côté, se bat pour convaincre les pays limitrophes d’intervenir en faveur du couple royal. Les lettres se multiplient, utilisant un système de codage de plus en plus sophistiqué afin de les rendre indéchiffrables. Pour ne pas prendre de risques inutiles, Axel de Fersen envoie à sa maîtresse des boîtes à biscuits à double fond. Les amants, sous le coup de l’éloignement et de la tension de la situation, se livrent à des déclarations enflammées tout en élaborant de multiples stratégies. Faire mine d’accepter la monarchie constitutionnelle en est la première, aussi Louis XVI donne son accord le 30 septembre. L’Assemblée constituante disparaît donc au profit de l’Assemblée législative.

L’hiver 1792 est marqué par la volonté d’Axel de Fersen de rendre visite à sa maîtresse, laquelle ne cesse de refuser en raison des risques encourus. Non seulement le palais est gardé mais Louis XVI est tout près. Elle finira par céder et le comte suédois entre clandestinement aux Tuileries avec la volonté de convaincre son amante de s’évader. Ils passeront une nuit ensemble ainsi qu’une journée. Lorsque Axel de Fersen explique à son amante son désir de l’emmener avec lui, celle-ci refuse. Une dispute violente éclate puisqu’intrinsèquement Marie-Antoinette privilégie, en apparence du moins, sa famille à son amant, la raison au détriment de la passion. Louis XVI s’en mêle, chassant Axel de Fersen au terme d’une longue discussion. À partir de janvier 1792, le comte n’appellera plus Marie-Antoinette « Joséphine » dans son journal mais « Reine de France », témoignant de son ressentiment envers la femme qu’il aime pourtant depuis bientôt vingt ans.

Marie-Antoinette, au vu du confort relatif que l’acceptation de la constitution lui a apporté, n’a pas jugé bon de s’évader. Elle vit dans un luxe relatif, une grande pièce avec serviteurs et garde-robe auprès de ses enfants qui reçoivent une instruction des plus soignées. À tort, la reine s’imagine un retour au calme prochain, envisageant même un possible retour à la monarchie absolue. Après une prise de distance momentanée, la correspondance entre Marie-Antoinette et son amant reprend au printemps.

Au même moment, la France déclare la guerre à l’Autriche, rendant la reine encore plus impopulaire qu’elle ne l’est. Les surnoms moqueurs et les insultes fusent jusqu’aux fenêtres des Tuileries. Le peuple déverse sa haine sur Marie-Antoinette, laquelle craint de plus en plus pour sa sécurité. En réaction à cela, Axel de Fersen entreprend d’écrire un manifeste avec le concours du duc de Brunswick, chef de l’armée prussienne. Face aux menaces qui planent sur la reine, la missive se veut dissuasive, rendant  « personnellement responsable de tous les événements, sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l’Assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité, et de la garde-nationale de Paris, juges de paix, et tous autres qu’il appartiendra, déclarant en outre leurs dites majestés, sur leur foi et parole d’empereur et de roi, que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage au roi et la reine, et à la famille royale ; s’il n’est pas pourvu immédiatement à leur sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés, coupables d’attentats, au supplice qu’ils auront mérité ». 

Si la volonté est louable, la virulence des propos à l’effet inverse de celui escompté. Le 10 août 1792, la violence du peuple atteint un point de non-retour.  Une partie des Tuileries est assiégée : on veut la tête de « l’autrichienne ». La famille royale se réfugie d’abord à l’Assemblée avant d’être fallacieusement enfermée à la prison du Temple. En guise d’accueil, Marie-Antoinette découvrira la tête de son amie et ancienne favorite, Madame de Lamballe, sur une pique, tapant à sa fenêtre. Le peuple veut que la reine l’embrasse mais finit par la broyer à force de coups. De nombreux massacres ont lieu la même journée jusqu’à ce que soit proclamé la fin de la monarchie au profit de la république. Le sort de la famille royale est désormais scellé.

Après un procès de mascarade, Louis XIV est condamné à mort. Jusqu’alors isolé avec le dauphin, l’enfant lui est retiré et le roi se retrouve seul à attendre le terrible sort qui lui est réservé. Il est exécuté le 21 janvier 1793. L’annonce de la mort de son mari plonge Marie-Antoinette dans une affliction sans précédent. Enfermée auprès de ses enfants et de sa belle-sœur, elle ne peut plus communiquer avec Axel de Fersen, lequel tente de lever les troupes étrangères pour la sauver. Le 13 juillet, Marie-Antoinette est emmenée seule à la Conciergerie. Le dauphin, alors âgé de huit ans, se voit confié au gardien du Temple dans le but de redevenir un « enfant normal ». Il doit être traité avec fermeté sans bénéficier d’instruction tout en effectuant des tâches ménagères. Par chance, l’épouse du gardien le prend en affection et entreprend de le protéger. 

À la Conciergerie, Marie-Antoinette est détenue dans une geôle insalubre. Comme sa cellule se situe en sous-sol et qu’elle dispose d’une mince ouverture vers l’extérieur, la reine peut échanger quelques billets avec son amant mais sa santé se dégrade rapidement. Prise de saignements vaginaux qui lui confèrent de grosses douleurs utérines, il est désormais établi qu’elle souffrait d’un cancer de l’utérus et qu’elle n’aurait probablement pas vu le nouvel an 1794. Son procès est prévu pour l’automne. Affaiblie et isolée, encore endeuillée par la perte de son mari, Marie-Antoinette peine à trouver la force d’espérer. Sa correspondance clandestine avec son amant prend une tournure plus grave. Axel de Fersen compte encore la sauver en faisant intervenir l’armée, Marie-Antoinette feint d’y croire bien qu’elle sache intimement qu’une issue funeste l’attend.

Un nouveau procès de mascarade se tient le 14 octobre 1793. La reine s’y présente malingre, peinant à tenir sur ses jambes. En dépit de sa maladie, on lui refusera un tabouret et c’est donc debout face aux jurés qu’elle demeurera durant deux jours. On lui reprochera de s’être montrée incestueuse avec le dauphin, un document signé par l’enfant passera de mains en mains, provoquant le courroux du jury et les pleurs de l’accusée. Par ailleurs, Marie-Antoinette sera pointée du doigt sur ses supposés mœurs homosexuelles, censées illustrer sa perversité. Sans surprise, la reine est condamnée à mort le 16 octobre 1793 dans la nuit. Son exécution a lieu le lendemain, dans une précipitation jusqu’alors inédite. Déchue et épuisée par les ardeurs du procès, Marie-Antoinette écrira une seule lettre, à destination de sa belle-sœur à qui elle confie ses enfants. Elle n’aura pas le temps de faire ses adieux à Axel de Fersen, sans doute lui aurait-elle déclaré comme par le passé : 

« Je vais finir non pas sans vous dire mon cher et bien tendre ami, que je vous aime à la folie et que jamais, jamais je ne peux être un moment sans vous adorer. »

Durant le trajet la conduisant de la Conciergerie à l’échafaud, Marie-Antoinette subira les pires affronts de la part de son peuple, des insultes aux jets d’objets, en passant par les crachats et les coups de bâton. Avec une dignité incommensurable, elle ne laissera rien paraître, ni sa peine ni sa peur. Jusqu’à la fin, elle a été reine et ce, dans la plus noble acception du terme, offrant à la postérité un portrait exemplaire de ce qu’était l’Ancien Régime.

Une part d’Axel de Fersen est morte avec Marie-Antoinette ce matin d’octobre 1793. Tout le restant de sa vie, il regrettera d’avoir obéi aux ordres du roi, au relais de Bondy. Convaincu qu’en sa présence, l’évasion aurait été réussie, le comte suédois deviendra la personnification de la mélancolie. Ses mots dans son journal en témoignent :  

« Oh ! Combien je me reproche mes torts envers elle et combien je sais à présent que je l’aimais. Quelle douceur, quelle tendresse, quelle bonté, quels soins, quel cœur aimant, sensible et délicat …  »

Il passera le restant de sa vie à collectionner les objets qui appartenaient à sa maîtresse. Rachetant commodes et effets personnels vendus clandestinement, il fera de son château un mausolée. Jusqu’à sa mort, Axel de Fersen conservera dans ses poches les lettres les plus enflammées de sa « Joséphine. » Comme un dernier hommage à sa dulcinée, la fatalité a voulu qu’il ait été assassiné le 20 juin 1810 soit dix-neuf ans jour pour jour après la fuite à Varennes. 

Reine emblématique de l’Ancien Régime, Marie-Antoinette a marqué l’histoire de France par sa différence et la force de ses passions. Ne s’oubliant pas au profit de son titre, elle a été une femme profondément moderne avant l’heure. Tantôt épouse engagée tantôt amante passionnée, Marie-Antoinette a joué tous les rôles comme autrefois dans son théâtre de Trianon.

De par la vie libre qu’elle a menée, la dernière reine de France a su s’émanciper de cette étiquette qu’elle détestait tant. Réinventant le rôle d’apparat jusqu’alors réservé aux reines, elle a su marquer de son empreinte le règne de son mari au point de le supplanter dans la postérité.

@Mélanie Gaudry

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