Les personnalités féminines, oubliées de la grande Histoire, sont nombreuses et toutes ont en commun de s’être brillamment illustrées dans des domaines souvent dévolus aux hommes. Jane Dieulafoy fait partie de celles qui, à la toute fin du XIXe siècle, ont su faire voler en éclats l’ordre établi, notamment en s’habillant en homme et en portant les cheveux courts.
Issue de la bourgeoisie toulousaine, son nom de naissance est Jeanne Magre. Elle changea de patronyme en se mariant et Jane est son prénom de plume. Dotée de grandes aptitudes intellectuelles, elle fut envoyée par ses parents dans une école pour jeunes filles bien nées. En 1862, à l’âge de onze ans, elle est placée à l’Institution Catholique de l’Assomption à Auteuil, à Paris. Elle y étudia la littérature, le grec et le latin, et se passionna pour les civilisations anciennes. À la fois cartésienne et artiste dans l’âme, elle s’adonnait au dessin et à l’écriture. Elle parlait plusieurs langues, l’anglais, l’espagnol, mais aussi le farsi (langue perse) et l’arabe. Son esprit vif et méthodique ne pouvait que la mener à accomplir de grandes choses.
Lorsqu’il s’unit à Jeanne le 11 mai 1870, Marcel Dieulafoy était un homme comblé. Il savait qu’il avait trouvé l’épouse parfaite, non pas celle qui gérerait l’intendance de la maison, mais celle qui cheminerait à ses côtés, d’égal à égal. Promu au poste d’architecte en chef de la ville de Toulouse, Marcel avait un bel avenir dans l’administration locale. Cependant, leurs tempéraments aventureux les empêchaient de s’enfermer dans le confort d’un foyer bourgeois.
Première femme archéologue en France, cette Toulousaine a eu une vie trépidante, n’hésitant pas à s’engager comme soldat aux côtés de son époux, lors de la guerre de 1870.
Ensemble, ils ont parcouru une grande partie de la Perse, voyageant dans des conditions fort rudes, dormant à la belle étoile dans des caravansérails et partageant le quotidien des caravanes du désert. Un périple au cours duquel ils réalisèrent d’importantes découvertes archéologiques, notamment la frise des archers du roi Darius, aujourd’hui encore exposés au musée du Louvre, et à l’origine du département des Antiquités orientales. À leur retour en France, le couple connut une notoriété sans précédent.
Le 20 octobre 1886, Jane Dieulafoy reçut la Légion d’honneur, ce qui la classa parmi les trente premières femmes en France à être honorées d’une telle distinction. Écrivaine, conférencière et journaliste pour le Figaro, elle eut le privilège d’avoir sa statue de cire au musée Grévin. Son premier ouvrage publié en 1887, La Perse, la Chaldée et la Susiane, fut récompensé par le Prix Montyon de l’Académie française . L’épouse parfaite reçut le Prix Langlois en 1907. Elle signa également la composition d’un opéra, Parysatis, avec le compositeur Camille Saint-Saëns.
D’un point de vue militant, elle cofonda le Prix Femina. Composé d’un jury essentiellement féminin, ce prix est né d’une indignation des femmes exclues des grands concours littéraires, comme le Goncourt. Jane Dieulafoy en fut la présidente à deux reprises, en 1905 et 1911. Elle milita aussi pour que les femmes participent à l’effort de guerre en remplaçant les hommes partis au front dans les usines et les champs.
Au début de la Première Guerre mondiale, Marcel et Jane Dieulafoy, respectivement âgés de soixante-dix et soixante-trois ans, s’engagèrent dans le combat. Ils s’établirent au Maroc pour apporter leur soutien aux troupes françaises placées sous le commandement du général Lyautey. Depuis ce lieu stratégique, les forces françaises tentaient d’organiser la victoire. Comme à son habitude, Jane Dieulafoy ne demeura pas inactive et occupa un poste d’infirmière au sein d’une unité de la Croix-Rouge. Dans ce dispensaire, elle contracta la dysenterie namibienne, qui lui fut fatale le 25 mai 1916.
Désormais, le nom de Jane Dieulafoy figure sur le monument aux morts de forme pyramidale de Pompertuzat. Fait rare qui mérite d’être signalé, dû à son époux Marcel Dieulafoy, qui lui survécut de quelques années et fut maire de cette commune de Haute-Garonne. Depuis 2022, à Toulouse, leur ville natale, deux plaques commémoratives ont été installées dans les rues où sont nés Jane et Marcel Dieulafoy. Une victoire contre l’oubli !
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