Mathilde Carré, “La Chatte” : la résistante devenue traîtresse


Elle a traversé la Seconde Guerre mondiale comme une ombre insaisissable. Séduisante, intelligente, téméraire, Mathilde Carré, surnommée « La Chatte », a d’abord combattu l’occupant avant de passer de l’autre côté. Résistante, agente double pour l’Abwehr, puis prisonnière des Britanniques, elle a incarné toutes les contradictions de la guerre. Un destin où se mêlent patriotisme, trahison et instinct de survie.

Une vie ordinaire bouleversée par la guerre

Née en 1908 au Creusot, Mathilde grandit loin des intrigues d’espionnage. Étudiante à la Sorbonne, elle devient institutrice, se marie avec un professeur, Maurice Carré, et le suit un temps en Algérie. Mais son mari en 1944 est tué au combat  de Monte Cassino en Italie pendant que Mathilde est dans les geôles anglaises. De retour en France, Mathilde s’engage comme infirmière.

C’est à ce moment qu’elle croise la route de Roman Czerniawski, un officier polonais, qui a monté un réseau d’espionnage à Paris : Interallié. Il recrute Mathilde. Elle prend le nom de code « Victoire » et devient rapidement une pièce maîtresse du dispositif. Pour sa ruse et sa discrétion, ses compagnons la surnomment bientôt « La Chatte ».

La chute du réseau et le choix de la survie

En novembre 1941, le réseau tombe dans les filets de l’Abwehr, les services secrets allemands. Arrêtée avec Czerniawski, Mathilde est interrogée par le sergent Hugo Bleicher. Contrairement à d’autres résistants qui se taisent, elle choisit une autre voie : elle collabore.
Libérée presque aussitôt, elle vit désormais avec Bleicher et l’aide à traquer ses anciens camarades. Son double jeu permet aux Allemands de démanteler Interallié et d’envoyer de faux messages à Londres grâce aux émetteurs capturés.

Le triple jeu et l’embarquement vers Londres

Mais l’histoire prend un nouveau tournant. Fin 1942, Mathilde rencontre Pierre de Vomécourt, agent du SOE britannique en France. Ensemble, ils montent une mise en scène destinée à tromper les Allemands.
Convaincus, ces derniers autorisent son départ avec Vomécourt. En février 1943, les deux embarquent sur un navire britannique et rejoignent Londres. Mais à leur arrivée, Mathilde est enfermée et restera derrière les barreaux jusqu’à la fin du conflit.

Un procès très médiatisé

Ramenée en France après la guerre, La Chatte est jugée en janvier 1949. Les audiences révèlent son ambivalence, entre trahison assumée et justification confuse. Son journal intime, cité à l’audience, choque : elle y parle moins de patriotisme que de confort, d’hommes et de musique.
La justice tranche : elle est condamnée à mort. Mais la peine est vite commuée en prison à perpétuité, puis réduite. En 1954, Mathilde est libérée, échappant ainsi au sort de nombreux collaborateurs.

Mémoire d’une figure trouble

Après sa libération, elle tente de réécrire son histoire. Dans ses mémoires, J’ai été « La Chatte » (1959), puis On m’appelait la Chatte (1975), elle se présente comme une femme piégée, manipulée autant qu’agente volontaire. Mais l’opinion publique ne lui pardonnera jamais vraiment.
Retirée de la vie publique, Mathilde Carré meurt à Paris en 2007, à 98 ans, presque oubliée.

Une héroïne ou une traîtresse ?

L’histoire de Mathilde Carré résiste aux jugements tranchés. Était-elle une résistante brisée, une survivante pragmatique ou une manipulatrice sans scrupules ? Son parcours reflète la complexité d’une époque où les choix se faisaient souvent dans l’urgence, et rarement sans compromission.
« La Chatte » restera à jamais l’un des visages les plus ambigus de la Résistance française : insaisissable, fascinante et dérangeante.

Auteur : Manzana Vallée 
Correctrice : Isabelle Bénard

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