Pernette du Guillet est une poétesse française méconnue, que nous avons pleinement intérêt à (re) découvrir ! Elle incarne l’École lyonnaise de la Renaissance, aux côtés de Louise Labé et de Maurice Scève.
Née vers 1520 à Lyon, elle fut une reine des salons et des lettres jusqu’à sa mort précoce en 1545, sans doute de la peste.
Nous ne savons presque rien de sa vie. Seuls, des vers nous restent, que nous gardons tout près du cœur. Pernette du Guillet n’avait pas préparé d’édition de ses œuvres. Rien ne prévoyait que nous la lisions un jour.
« Durant les huit dernières années de sa vie, elle écrivit soixante-dix œuvres poétiques, produisant rarement plus de dix poèmes par an et fit preuve d’une grande exigence vis-à-vis d’elle-même en travaillant sans relâche son écriture. »Grâce à sa rigueur, elle parvient à un vrai sens poétique, s’éloignant des poncifs et des clichés habituels.
Pernette du Guillet fut une femme cultivée, pratiquant l’espagnol, le latin, l’italien, et un peu de grec. Elle garde de ses lectures de nombreux souvenirs émus, notamment l’Italie pétrarquiste et les philosophes de l’amour platonique. Parmi les œuvres qui ont marqué profondément Pernette, on trouve en effet le savant badinage du pétrarquisme, alliant la finesse de l’esprit au charme physique. Elle réclame l’intensité, l’ardeur et la folie du désir : « Éros, écrit-elle, épuise toutes tes flèches contre moi ».
Si la peste ne l’avait pas ravagée, elle aurait été sans doute retrouvée morte près du carquois vidé de Diane, pleurant au bord de ses fontaines. Appelant de ses vœux une destinée épique, elle semble rejoindre Hector plutôt que pleurer avec Andromède : « Il n’y a plus sur tout mon corps place pour la moindre flèche ». Ce sont des nuits de fièvre, ces nuits sans fin, ces nuits qui prennent fin toujours trop vite, toujours trop tard, ces nuits traversées du jour.
Femme de culture, elle fut l’objet de moins de rumeurs dégradantes que sa contemporaine Louise Labé. Sa rencontre avec le poète Maurice Scève, au printemps 1536, marqua toute sa vie. Les amants évoquent leur liaison dans leurs vers. Scève chante son amour passionné pour Pernette dans son ouvrage Délie. Il parle de ses yeux et de ses cheveux. Il l’adore et mourrait bien sûr pour elle : « Je veux périr en si haute poursuite ».
Si l’on en croit Délie, elle lui réserverait « doux accueil et gracieux sourire ». Il l’aime à en devenir fou. Sans mesure ni fin. Il remet son sort entre ses mains. Sa beauté a un charme tout puissant sur lui. Il soupire : « En sa beauté gît ma mort et ma vie ».
Elle l’adore. Il est son « Jour », « Celui qui fait pour moi ce jour au monde ». Elle chante son amant et célèbre le pur plaisir des amours clandestines. Ils ont embarqué tous les deux vers un pays inconnu d’où l’on revient chancelant. Ivres. Des coupes vidées et verres brisés comme des éclats de rire.
« De liesse si pleine », elle l’adore pour ce plaisir qui coule en elle, mais elle connaît son pouvoir, elle sait l’effet qu’elle provoque sur lui et le charme qu’elle dévoile. Elle joue avec lui, mais jamais au point de rompre leur union : « Mais à vous toute être certes je veux bien… », « Demeurer vôtre toute ma vie ».
Elle aime sa grâce et son savoir. Amoureuse des sciences, elle aime en l’amant celui avec qui elle partagera les savoirs les plus variés ! Un amour humaniste. Elle n’a de cesse de vouloir développer ses connaissances, et se sent parfois coupable de ne pas avoir assez de talent pour louer les qualités de son amant : « Prête-moi donc ton éloquent savoir pour te louer ainsi que tu me loues ». Fausse modestie ? Humilité ? Pernette est intimement convaincue que l’amour véritable repose sur la vertu, la prudence et l’honneur.
L’amour l’a métamorphosée. Ses poèmes disent à quel point elle est heureuse depuis qu’elle aime et se sent aimée, depuis qu’elle sait et se sent progresser dans les sciences et l’écriture, depuis qu’elle sent que son destin lui appartient… Mais pour combien de temps ? Autant profiter du charme et de ses pouvoirs. Que lui importe ce qu’elle était avant d’aimer. Ce qui importe dans ses rimes, c’est le présent de la passion. Sa véritable vie a débuté avec son amour. Lui seul lui révèle son existence, dans ses moindres frissonnements. Avant de rencontrer l’homme qu’elle aime, tout n’était que nuit, la nuit de l’ignorance et de l’erreur au cœur de la caverne platonicienne. L’amour l’a rendu au jour. L’aube découvre son sourire, l’aube découvre son chant. Nous repensons à Gérard de Nerval :
« Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber… »
Cet air, c’est certainement celui de l’amour, ce chant amoureux, savant mélange d’érudition et d’enthousiasme ardent… Nous pensons alors à deux vers de Marceline Desbordes-Valmore qui pourraient tout à fait convenir à Pernette, comme une invitation par-delà les siècles, dans une autre existence peut-être :
« Et tu chantas l’amour, ce fut ta destinée ».
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