Un matin d’août 1843, un navire avance vers le port de Bordeaux. Sur le pont, la Mère Javouhey, une religieuse de 64 ans, scrute l’horizon et songe à son existence. Pendant la Révolution et sous la Terreur, alors âgée de dix ans, Anne–Marie dite Nanette cache des prêtres, organise des messes clandestines, visite les malades et catéchise les enfants en Côte-d’Or. Le 11 novembre 1798, la jeune fille se consacre à Dieu. En 1800, elle entre chez Les Sœurs de la Charité à Besançon.
En 1812, Anne-Marie devenue Mère Javouhey, supérieure générale des sœurs, installe son noviciat dans l’ancien couvent des Cordeliers de Cluny. La Congrégation prend nom : Les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. En 1815, sous le règne de Louis XVIII, cette Congrégation ouvre l’école du Marais à Paris. La qualité de l’enseignement des Sœurs de Saint-Joseph les fait remarquer. Le ministre des Colonies leur propose de se rendre Outre-mer.
Pour Anne-Marie, aucun doute : les Sœurs de Saint-Joseph vont devenir le premier ordre de femmes missionnaires.
En 1817, des sœurs partent pour l’Île Bourbon, l’actuelle Réunion. D’autres s’embarquent pour le Sénégal, la Martinique, la Guinée et la Guadeloupe. Les Autochtones les appellent les « filles du Ciel ». En France, se créent de nouvelles communautés, des écoles et d’autres institutions.
Sous Charles X, tandis que les « maisons de Cluny » se multiplient, le ministre des Colonies confie à la Mère Javouhey la direction d’une mission de peuplement et d’exploitation des terres situées dans la colonie de Guyane. Malgré l’admiration de Louis-Philippe pour l’énergie de cette femme qu’il compare à « un grand homme », son gouvernement de Paris et lui limitent ses actions. Le 4 août 1843, après avoir débarqué à Bordeaux, Anne-Marie Javouhey rejoint Fontainebleau afin de recevoir la communion. Elle en fut privée, pendant plus d’un an, par un évêque désireux et jaloux de prendre sa place à la tête de sa congrégation. À Paris, elle organise à nouveau des missions pour Madagascar, Tahiti, les Marquises « en veillant sur l’œuvre en Guyane ».
Pendant la révolution de 1848, non loin des barricades, Anne-Marie Javouhey soigne les blessés et aide les indigents. Quelques semaines plus tard, la II -ème République exauce l’un de ses souhaits en abolissant l’esclavage.
Libératrice d’esclaves, éducatrice de liberté, avocate des opprimés, praticienne de la relation d’aide avant l’heure, ardemment convaincue de la force de l’échange entre les hommes : Anne-Marie Javouhey prône l’éducation des êtres et le souverain accès à leur liberté.
Montrer l’exemple est le meilleur argument pour celle qui se plaît à répéter inlassablement :
« On ne contraint pas des hommes libres, on les persuade. »
« Je veux être partout où il y a du danger et de la peine. »
« La Charité pardonne tout, l’humilité arrange tout. »
Anne–Marie Javouhey rend l’âme le 15 juillet 1851. En 1950, le pape Pie XII la béatifie. Une étape qui précède sa canonisation, datée du 15 août 2020. De nos jours, l’ordre des Sœurs Saint-Joseph de Cluny poursuit ses œuvres dans le monde entier. Nombre de centres, acteurs de l’action sociale, en France et Outre–mer, portent son nom.
©Albertine Gentou
Correctrice : Sarah Bauerlé
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