Émilie Du Châtelet, Madame Pompon Newton


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Il n’est jamais facile d’imposer son propre rythme, surtout lorsque la vitesse à laquelle la vie nous mène est instable. Amoureuse des lettres et des chiffres, j’ai grandi en sachant que, pour tenir debout, pour garder la tête haute dans une génération nommée Lumière, seule la persévérance suffit ; la persévérance mais surtout la patience, et l’humilité. Les plaisirs les plus intenses viennent des passions. Il faut donc cultiver les passions même si elles inspirent dangereusement de grands désirs.

Durant ma jeunesse, j’ai longuement hésité à me lancer dans ce que je désirais. Mes rares amis me disaient : « Émilie, trouve-toi une raison d’être. » Je savais que ce n’était pas évident, mais j’étais sûre d’y arriver, j’étais sûre de voir apparaître, tôt ou tard, sur la couverture d’un grand livre : Émilie Du Châtelet. Mon nom.

Mais les belles choses prennent du temps… je l’avais compris et savais à quoi m’attendre.

Il faut l’avouer tout de suite : j’étais douée, la première femme publiée par l’Académie des sciences. Et portant un lourd fardeau : celui d’être femme. Certains hommes voulaient m’écarter, mais nul ne peut empêcher une étoile de briller. J’avais pris mon envol et rien ne pouvait plus m’atteindre.

Cependant, ma vie a littéralement basculé le jour où j’ai rencontré un charmant monsieur. Voltaire. Je n’avais que 27 ans et cette rencontre changea ma vie. Voltaire se laissait fasciner par moi, une femme habituellement fondue dans la masse. Il admirait mon travail, mon éducation scientifique et littéraire, mais aussi ma liberté de parole.

Il est vrai que je n’avais pas froid aux yeux. Tout comme Voltaire, j’adorais l’opéra et le théâtre. Souvent, on jouait des scènes en privé lui et moi. Il était le roi et moi la reine. Mais, poussé par le désir, j’ai péché en multipliant les conquêtes.

Malgré cela, je ne cessais de travailler, sachant que rien n’était vraiment acquis. Je travaillais sans cesse, et cela m’élevait au-dessus de certains hommes. Moi qui n’étais qu’une femme ordinaire, la physique newtonienne me fascinait. Alors je me suis lancée, sans hésiter. Je fus la première à traduire, en France, l’œuvre ultime d’Isaac. Cela ne faisait plus aucun doute : j’étais une mathématicienne digne de ce nom. En quelques années, j’ai réussi à m’imposer dans un monde hostile. Mais que serait ma vie sans cet homme à mes côtés ? Ce Voltaire qui, sans jamais flancher, me poussait au sommet. Malgré la multiplicité de mes conquêtes, il fut le seul à m’avoir donné le goût de la science. Il me surnommait, à cause de ce que j’avais accompli au milieu des autres savants : Madame Pompon Newton. Il disait que j’avais une longueur d’avance, que je pouvais tout accomplir.

Je crois qu’il avait raison. J’avais atteint le sommet. Pourtant, une chose est sûre, dans ce long voyage qu’est la vie, on n’arrive jamais à destination.

©️ John ELONGO M

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