Née à l’aube du XXe siècle dans une famille de grainetiers illustres depuis Louis XV, figure du Tout-Paris des années trente aux années soixante, mariée à un milliardaire américain puis à un comte hongrois, Louise de Vilmorin a longtemps vécu au château familial de Verrières-le-Buisson, dans l’Essonne, où elle partagea la fin de son existence avec André Malraux.
Grande dame, actrice de ce que Stefan Zweig a appelé le monde d’hier, celui de la haute société cosmopolite européenne, Louise a participé bien malgré elle à la création de notre présent et à l’évolution de la condition féminine. Par son humour. Son talent. En affirmant sa personnalité d’artiste. En étant libre sans se croire libérée.
Amie de Cocteau, Orson Welles, Roger Nimier, Antoine de Saint-Exupéry, égérie des hommes les plus grands, Louise n’a pas survécu aux vertiges de la renommée. L’auteure de Madame de, Julietta, Le Lit à colonnes, L’Heure maliciôse, la dialoguiste du film de Louis Malle Les Amants, celle qui vendait à l’époque autant de livres que Simone de Beauvoir fut, l’espace de quelques décennies, frappée de la peste de l’oubli voire jugée démodée. Un comble pour celle qui inventa le concept de la star à l’heure où les échotiers de feuilles à scandales ne parlaient que de vedettes !
Pourtant… sa légende l’a emprisonnée dans un personnage. Son allure de mondaine qui, dans la soixantaine bien vécue, souhaitait que le Tout-Paris l’appelât Mademoiselle, a nui à sa notoriété d’écrivain. Et chacun d’ignorer que sous les apparences vernies du savoir-faire et le sens du paraître se cachait l’âme d’une véritable poète et d’une femme émouvante.
À travers ses écrits ponctués par son goût du tragique et sa passion pour la légèreté perce sa véritable nature. Si elle s’est défendue d’écrire des récits autobiographiques, Louise de Vilmorin s’est appliquée à transposer en images, souvent surréalistes, une part d’intimité.
Pour elle, « venue du bout du monde et de la pointe des siècles », rien de plus naturel que le passage de l’invisible à la réalité. Dans l’imaginaire de son œuvre poétique et romanesque, les princesses épousent des fauteuils et les grandes familles s’amusent de Fiançailles pour rire.
Louise dite la Maliciôse. Louise que commente André Malraux : « l’accent des meilleurs poèmes de Maliciôse tient sans doute à ce que, seuls, ils ont donné l’âme et la voix à un enchantement désespéré ; à ce que, seuls, ils ont fait surgir les sentiments féminins millénaires, non de la vie, mais d’une féerie apparemment libérée d’elle, et qui pourtant la rejoint dans l’amour et dans la nostalgie. »
Louise de Vilmorin eut ainsi le courage de vivre comme elle le désirait. Guidée par ses sentiments sans se soucier des conséquences, Louise préféra à sa réputation les élans de son cœur. Des élans qu’elle se plaisait à livrer dans ses romans, et de ce qui apparaît de sa vie une suite de réalités sublimées, et le reflet d’une époque à laquelle nous n’avons plus accès.
© Albertine Gentou
Auteure de :
Rosa Bonheur, Une femme au service de l’art, L’Harmattan, 2018
Femmes de Seine-et-Marne – Editions du Puits Fleuri, 2022
Laisser un commentaire