Berthe Morisot et Julie Manet, peintres de mère en fille  


Fille d’un haut fonctionnaire, Berthe Morisot grandit avec ses sœurs Yves et  Edma et leur frère. Avec Edma, Berthe entretient un engouement pour la peinture.  Madame Mère reçoit le mardi : Thiers, Ferry, Fantin-Latour et autres dignitaires… Dès 1864, Edma et Berthe participent à leur premier Salon. Berthe pose pour Édouard  Manet que lui a présenté Fantin-Latour. Elle fait la connaissance de Renoir, Monet et  Degas.  

Manet, l’homme du scandaleux Déjeuner sur l’herbe et d’Olympia, le peintre à la palette  noire qui raffole des tons obscurs pour faire éclater la lumière, capture l’âme de ses  modèles telle Berthe Morisot dès 1868.  

Morisot ! Une femme fatale à l’œil de braise souvent habillée de noir,  immortalisée sept fois par Manet qui la fait poser plus qu’aucune autre. Elle devient sous  son regard la femme au bouquet de violettes – un des trésors du Musée d’Orsay  aujourd’hui.  

Après le mariage d’Edma qui abandonne la peinture, Berthe se retrouve la seule femme  du groupe. En 1876, Manet réalise un portrait de Mallarmé, le poète, qui rejoint la  bande de ceux qui vont donner naissance au mouvement impressionniste.  Renoir et Monet, eux, partent peindre dans la Forêt de Fontainebleau. Souvent, ils se  retrouvent tous non loin de là, en bord de Seine, chez Mallarmé.  

Berthe épouse Eugène, le frère d’Édouard Manet. De cette union va naître en  1878 Julie, avec laquelle Berthe entretiendra une relation osmotique autour de la  peinture.  

Après le décès d’Eugène, les amis de Berthe deviennent sa famille et Mallarmé son  compagnon le plus proche. Entourée de Julie et de ses nièces, Berthe surmonte les  épreuves et sa peinture évolue jusqu’à presque atteindre l’abstraction. Beaucoup diront  que Berthe fut influencée par ses amis. Il n’en est rien. L’influence fut réciproque. Les  jeunes filles, les enfants, la tendresse, elle les partage avec Renoir. La flore, avec Monet.  Un observateur averti notera sur une de ses toiles un nénuphar bien avant que celui-ci  ne fleurisse du côté de Giverny…  

À 14 ans, alors que depuis l’enfance elle pose pour Berthe, Renoir et Degas, Julie  Manet peint et écrit un Journal, dans lequel elle relate des anecdotes sur le quotidien du  groupe et rend compte de son apprentissage de peintre… 

Les séjours chez M. Mallarmé, comme Julie se plaît à l’appeler, sont nombreux. Julie  raconte : « M. Mallarmé nous a menées au commencement de la forêt où se trouvaient Mme et Mlle  Mallarmé ; nous sommes restées là jusqu’à l’heure du dîner. Dîner dehors devant l’auberge sous des  arbres au bord de la Seine. On voit là un très joli paysage… »  

L’été, Julie se baigne dans la Seine. « Vers quatre heures, promenade en suivant la berge jusqu’à  Héricy ; derrière le rideau d’arbres, les roseaux entourés de fleurs bordent la Seine et, peu à peu, on  aperçoit les maisons roses de Samois… »  

Berthe décède en 1895. Trois ans plus tard, à la mort de Mallarmé que Berthe a  fait nommer tuteur de sa fille, Renoir et Degas prennent le relais. Ce dernier présente  Ernest à Julie. En mai 1900, Julie, peintre de vocation et de profession, épouse Ernest  Rouart, peintre et fils du peintre Henri Rouart. Le mariage se révèle en fait une double  cérémonie au cours de laquelle Jeanne Gobillard, sa cousine, devient Mme Paul Valéry. 

De génération en génération, l’alliance de la peinture et de la poésie perdure au cœur de  cette famille. Pour preuve le talent de Jean-Marie Rouart, le petit-neveu de Julie,  romancier et chroniqueur devenu membre de l’Académie française. 

© Albertine Gentou

Correctrice : Stéphanie Cestelé

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