En 1766, le roi, Louis XV, nomme le comte Louis-Antoine de Bougainville (1729- 1811) à la tête d’un voyage d’exploration scientifique autour du monde. Une mission particulièrement ambitieuse qui enthousiasme particulièrement le souverain français, grand amateur de navigation. Découvrir de nouveaux territoires, cartographier le monde connu et inconnu, participer, dans le même temps, aux développements des connaissances scientifiques de l’univers : quelle allégresse ! Afin d’accomplir ce périple, de Bougainville s’entoure des plus grands savants de son temps : le cartographe Charles Routier de Romainville (1739-1808), l’astronome Pierre-Antoine Véron (1733-1770), l’aventurier, le prince Charles de Nassau (1712-1775), et le naturaliste Philibert Commerson (1727-1773).
Le 15 novembre 1766, la frégate « la Boudeuse » quitte le port de Nantes pour une expédition au long cours à travers les eaux agitées de l’océan Atlantique. Un second navire, « l’Étoile », est affrété pour former une escorte. Le 13 juin 1767, les deux bateaux se rejoignent à Rio de Janeiro. Mais, ce qu’ignore de Bougainville, c’est qu’une femme fait partie des passagers du second navire. Celle-ci a embarqué, travestie en homme en raison d’un arrêté royal interdisant les femmes à bord, à Rochefort, le 1 février 1767. Elle accompagne Philibert Commerson, se faisant passer pour son valet de pied. Les cheveux coupés courts, la poitrine dissimulée sous des bandages, le tour de passe-passe est bien pensé ! La supercherie est dévoilée au grand jour, cependant, le commandant de Bougainville n’en prend pas ombrage. Il considère que la passagère apporte, à leur expédition, une aide précieuse.
Dans son récit Voyage autour du monde, il écrit d’ailleurs :
Jeanne Barret sera la seule de son sexe à faire le tour du monde et j’admire sa détermination. Son exemple sera terriblement contagieux.
Au terme de cette expédition de près de trois années, Philibert Commerson et Jeanne Barret ont récolté plus de cinq mille échantillons, parmi lesquels de nombreuses plantes jusque là inconnues, comme le bougainvillier et l’hortensia. Parvenus sur l’île Maurice, alors surnommée l’île de France, Commerson et Jeanne décident de demeurer sur place encore un temps. Durant deux années supplémentaires, ils explorent les terres voisines, notamment Madagascar et la Réunion. La mort du botaniste, survenue le 13 mars 1773, plonge Jeanne dans le plus grand désarroi. En novembre 1773, l’ensemble des échantillons prélevés par le couple sont expédiés en France dans trente-quatre caisses, à l’attention du Jardin du Roi. Et Les manuscrits de Commerson ? Tout bonnement remis au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Désargentée, Jeanne Barret n’est pas en mesure de financer son voyage retour vers la France. Elle ouvre alors un cabaret à Port-Louis où elle rencontre Jean Dubernat, un officier de la Marine française, qu’elle épousera le 17 mai 1774 à la cathédrale de Saint-Louis.
Vers 1775, elle rentre en France, persuadée que l’on ignore encore tout de sa participation à l’expédition. C’était sans compter les récits de Bougainville par lesquels elle avait acquis une grande notoriété. Afin de la remercier pour sa contribution à l’enrichissement des collections botaniques royales, Louis XVI lui verse une pension.
Parmi les espèces répertoriées et découvertes par Philibert Commerson, l’une d’entre elles porte le nom Baretia bonnafidia. Le nom donné à cette plante par le botanique témoigne de son affection à l’égard de Jeanne, et pour preuve ! Voici la note qu’il rédigea à son intention :
Cette plante aux atours ou au feuillage ainsi trompeurs est dédiée à la vaillante jeune femme qui, prenant l’habit et le tempérament d’un homme, eut la curiosité et l’audace de parcourir le monde entier, par terre et par mer… Elle sera la première femme à avoir fait le tour du globe terrestre, en ayant parcouru plus de quinze mille lieues. Nous sommes redevables à son héroïsme de tant de plantes jamais récoltées jusqu’alors, de tant de collections d’insectes et de coquillages, que ce serait préjudiciable de ma part, comme de celle de tout naturaliste, de ne pas lui rendre le plus profond hommage en lui dédiant cette fleur.
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