Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842) : le scandale au bout du pinceau


En septembre 1783, le Salon de peinture et de sculpture dévoile à la cour du roi Louis XVI les œuvres des artistes les plus talentueux de leur temps. Organisé chaque année au palais du Louvre par l’Académie royale de peinture et de sculpture, cet événement majeur permet aux artistes officiels, c’est-à-dire aux élèves de la prestigieuse institution, de présenter une ou plusieurs toiles de leurs créations. C’est une occasion en or de se faire remarquer par des acheteurs fortunés et obtenir des commandes.

Pour la première fois, Élisabeth Vigée Le Brun est invitée à présenter un de ses tableaux. À seulement vingt-huit ans, elle a déjà une brillante carrière derrière elle. Depuis 1778, elle est la portraitiste officielle de la reine Marie-Antoinette, un rôle très convoité. Le tableau qu’elle a choisi d’exposer, Marie-Antoinette en gaulle, trouble les visiteurs venus admirer la souveraine. L’artiste a osé représenter la première dame du royaume en robe de mousseline, un vêtement d’intérieur qu’il est indécent de voir porter par la reine en public. L’audace de l’artiste est un coup de maître. Désormais, on ne parle que d’elle et du scandale provoqué par son portrait !

Élisabeth Vigée Le Brun, en tant que femme, ne pouvait accéder à l’enseignement artistique, les cours étant réservés aux hommes. Seul son fort tempérament lui a permis de s’imposer dans un milieu essentiellement masculin. Pourtant, en 1783, trois femmes furent autorisées à exposer au Salon. À ses côtés, Adélaïde Labille Guiard et Anne Vallayer Coster reçurent un accueil mitigé. Les femmes peintres étaient souvent jugées sans talent, alors, pourquoi ne pas provoquer les esprits en proposant une œuvre choquante ?

De guerre lasse, Élisabeth Vigée Le Brun retire son tableau pour en proposer un plus académique, Marie-Antoinette à la rose. Elle a rhabillé la reine en robe de satin bleu pour ne pas froisser messieurs les censeurs, malgré tout satisfaite d’avoir gagné la plus belle des batailles, celle d’être devenue célèbre. La notoriété lui assure le succès et, dans son atelier, les commandes s’accumulent. Cependant, elle dut surmonter de nombreuses difficultés avant de vivre pleinement de son art.

Issue d’un milieu bourgeois, Élisabeth Vigée Le Brun reçut un enseignement strict et complet auprès des sœurs du couvent de la Trinité, dans le Faubourg Saint-Antoine. Son père, Louis Vigée, pastelliste de son état et membre de l’Académie de Saint-Luc, décela très tôt le talent de sa fille pour la peinture. Il fut son premier maître avant de mourir accidentellement en 1767. Après son décès, l’éducation artistique d’Élisabeth fut confiée au peintre Gabriel François Doyen, un ami de la famille. Par la suite, elle suivit également les leçons de Gabriel Briard, qui lui ouvrirent les portes de l’Académie de Saint-Luc. Se rendant fréquemment au palais du Louvre, elle copia les œuvres des artistes qu’elle admirait comme, Rembrandt et Van Dyck.

En 1776, elle épouse un marchand d’art, Jean-Baptiste-Pierre Le Brun qui croit en son talent et la soutient, en lui présentant une clientèle de connaisseurs. En 1780, elle donne naissance à sa fille unique, Julie Le Brun, qui deviendra peintre à son tour. C’est à cette époque qu’elle réalise son autoportrait avec sa fille, une œuvre qui attire la sympathie de la duchesse Marie-Adélaïde de Bourbon qui lui présente la reine Marie-Antoinette. Entre les deux femmes du même âge s’installe une belle amitié qui aboutit à la création d’une trentaine de portraits. Une collaboration fructueuse interrompue par la Révolution française. Contrainte à la fuite, la portraitiste de la reine s’exile en Italie, entamant une carrière européenne.

Royaliste convaincue, Élisabeth Vigée Le Brun continue d’exercer ses talents dans les plus grandes cours d’Europe : Rome, Naples, Saint-Pétersbourg, Moscou ou Vienne. Elle meurt en France en 1842, où elle était revenue s’installer après son long exil. Elle ne se remit jamais de la chute de la royauté, ne trouvant plus sa place dans ce monde nouveau où empire et république se disputaient le pouvoir.

©Audrey Marty
Correctrice : Isabelle Bénard

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