Mathilde Wernert, la préhistoire est aussi une affaire de femmes


Passionnée d’archéologie, Mathilde Wernert, née Ulrich, vit en Alsace dans la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est là qu’elle donne naissance à Paul, en 1889. Paul Wernert est connu pour ses travaux menés sur le site archéologique d’Achenheim en Alsace mais aussi pour son rôle auprès de l’abbé Breuil, le grand maître des relevés d’art paléolithique et de l’abbé Hugo Obermaier dans les fouilles d’Espagne.

Les loessières d’Achenheim

Il reste de la relation étroite que Mathilde entretient avec son fils, une importante correspondance, conservée au fil des décennies. On y apprend que c’est véritablement elle qui transmet à ses enfants, Paul et Madeleine, la passion de l’archéologie. Elle les emmène très jeunes dans les carrières d’Achenheim, non loin de Strasbourg, où des os de mammouth sont retrouvés depuis la fin du XIXe siècle [1]. Il semble qu’à la mort du père de Paul en 1902, le rôle de Mathilde sur le site d’Achenheim se soit intensifié. Si la postérité fait de Paul le paléontologue en titre des loessières [2] d’Achenheim, c’est en réalité Mathilde qui est présente les premières années. C’est elle qui gère les relations avec les ouvriers et c’est elle également qui expose, accompagnée de sa fille Madeleine, ses découvertes au Palais de Rohan de Strasbourg en 1907, à la suite de l’invitation de Robert Forret, conservateur du musée d’archéologie de Strasbourg. L’écriture de Mathilde se retrouve sur des ossements et des étiquettes ; de grands noms comme l’abbé Breuil et le père Pierre Theillard de Chardin lui rendent visite, mais malgré les encouragements de ses enfants, elle ne publiera jamais. Le poids social pesant probablement trop lourdement. À cette époque, le monde universitaire et scientifique, entre autres, est largement dominé par des hommes.

Un regard masculin sur le sujet d’étude

D’ailleurs, le regard masculin régit également le narratif sur les humains préhistoriques et tend à invisibiliser les femmes de leur objet d’étude. Ainsi, la mise en avant des femmes préhistoriques n’est que récente, fin 20e. L’ouvrage de la préhistorienne Marylène Patou-Mathis, L’homme préhistorique est aussi une femme date de 2020. L’autrice met les pieds dans le plat : « Non ! Les femmes préhistoriques ne passaient pas leur temps à balayer la grotte ! ». [3]

Un exemple parlant est celui des dessins pariétaux et rupestres, c’est-à-dire dans des grottes et sur de la roche. Longtemps attribuées à des artistes hommes uniquement, de nouvelles données révèlent que la plupart des mains peintes en négatif appartiennent à des femmes. Le plus souvent la main gauche, ce qui laisse suggérer que la main droite servait à projeter la préparation colorée. [4]

La préhistoire est aussi une affaire de femmes bien sûr et pour en revenir à Mathilde Wernert, Éric Boes, directeur adjoint scientifique et technique à l’INRAP remarque : « Ainsi, la découverte de Mathilde Wernert est une belle surprise, qui permet de rappeler que, sans être visibles, des femmes ont œuvré dans le domaine de la préhistoire au début du XXe siècle. » [5]

©Margaux Klein

1 : Éric Boes, « Mathilde Wernert : une femme dans un monde de préhistoriens… en 1907 », The Conversation, juin 2023

2 : Le loess est un dépôt marron clair légèrement compacté de sédiments soufflés par le vent, classiquement considéré d’origine glaciaire. À Achenheim, Paul Wernert découvrit des boules de loess, pétries de main d’homme au Paléolithique, et disposées en tas d’une manière intentionnelle évidente, Millot et Sittler, 1974.

3 : P.9

4 : Marine Le Breton, « Les premiers artistes préhistoriques seraient des femmes », The Huffington Post, octobre 2013.

5 : Éric Boes, « Mathilde Wernert : une femme dans un monde de préhistoriens… en 1907 », The Conversation, juin 2023

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