Ce livre explore la vie de Joséphine de Beauharnais à travers un lieu chargé de mémoire : sa résidence, son château de Malmaison. Comme l’indique David Chanteranne dans la préface, cette démarche est novatrice, car elle permet de découvrir l’ensemble de son histoire, « du plus essentiel au moins avouable. » [1].
Joséphine de Beauharnais : une jeunesse tropicale et un destin français
Née le 23 juin 1763 aux Trois-Îlets, en Martinique, Marie Josèphe Rose de la Pagerie, future Joséphine de Beauharnais, voit le jour dans une plantation sucrière baignée par les senteurs des tropiques. Affectionnée par sa nourrice, Marion, une mulâtresse qui la surnomme tendrement « Yeyette », Joséphine grandit dans un écrin de nature foisonnante où la faune et la flore éveillent sa sensibilité pour la beauté et l’harmonie. De son père, elle hérite d’un charme naturel et d’une certaine légèreté financière, tandis que sa mère lui transmet une force de caractère essentielle face aux tumultes de son destin.
À l’âge de 16 ans, en août 1779, Joséphine quitte la douceur de son île natale pour la France. Elle débarque à Brest le 12 octobre, avant de s’installer à Paris à la mi-novembre. Quelques semaines plus tard, le 13 décembre 1779, elle épouse Alexandre de Beauharnais dans le cadre bucolique de Noisy-le-Grand. De cette union nait Eugène en 1781, alors que Joséphine n’a que 18 ans, puis Hortense en 1783, l’année de ses 20 ans.
Cependant, leur mariage s’enlise rapidement dans les dissensions : Alexandre, fervent aristocrate, aspire à un amour idéalisé, tandis que Joséphine rêve d’un bonheur plus simple et bourgeois. Cette mésentente culmine lorsqu’Alexandre met en doute la paternité de leur fille Hortense. Blessée, Joséphine porte plainte en 1783, dénonçant ses absences et ses accusations infondées. Leur séparation est officialisée le 5 mars 1785, et Joséphine obtient la garde de leurs enfants, bien qu’elle ne puisse conserver celle d’Eugène qu’en deçà de ses cinq ans.
Joséphine de Beauharnais : de l’ombre à la lumière d’un destin impérial
Après sa séparation officielle, Joséphine trouve refuge à l’abbaye de Penthemont, un sanctuaire discret pour les femmes séparées de leur époux. Là, son charme naturel attire une cour assidue : le duc de Lorges, le comte de Crenay, le chevalier de Coigny et Scipion du Roure figurent parmi ses admirateurs.
Le 2 juillet 1788, en quête d’un nouveau départ, elle retourne en Martinique, accompagnée de sa fille Hortense et de son amant, Scipion du Roure. Mais les troubles politiques grandissants la forcent à revenir en France le 4 septembre 1790. Peu après son retour, le décès de son père, le 7 novembre 1790, la plonge dans une profonde douleur.
C’est en 1793 que Joséphine découvre, depuis les toits de Croissy, la maison de Rueil, un lieu qui deviendra un refuge pour elle. Cependant, la Révolution bouleverse son existence. Elle est arrêtée et emprisonnée le 20 avril 1794 aux Carmes, tandis qu’Alexandre de Beauharnais est détenu depuis le 2 mars au Luxembourg . Il est guillotiné le 23 juillet 1794, un traumatisme qui marquera à jamais Joséphine. Libérée le 6 août 1794, elle s’efforce malgré tout de préserver l’héritage de son époux pour leurs enfants.
À l’automne 1795, le destin met sur son chemin Napoléon Bonaparte, celui qui deviendra l’amour de sa vie. Lors de leur première rencontre, Joséphine de Beauharnais lui exprime sa gratitude pour un acte singulier et symbolique : il avait sauvé un sabre ayant appartenu à son premier époux, Alexandre de Beauharnais. Rapidement, une passion dévorante s’installe entre eux. Le 9 mars 1796, ils se marient, et Napoléon décide de remplacer le prénom de « Rose » par celui de « Joséphine », un hommage à son nom Marie Josèphe. Malgré leurs six années d’écart, Joséphine apporte à Napoléon une sagesse et une sérénité qui apaisent son tempérament impétueux. Ensemble, ils tissent un lien unique, cimentant une relation faite d’amour et de pouvoir.
Le retour d’Égypte est un moment clé de leur union. Napoléon, souvent exténué, trouve auprès de Joséphine un réconfort inégalé, reposant sa tête sur ses genoux pour puiser de la force. Lorsqu’il est malade ou accablé, c’est toujours à elle qu’il se confie. Joséphine le séduit par sa douceur et sa maternité, des qualités qui contrastent avec la rudesse qu’il a connue avec sa mère. Elle lui offre non seulement une stabilité affective, mais également un statut social, consolidant son ascension. Il adopte ses enfants, Eugène et Hortense, et se comporte envers eux comme un père attentionné.
Cependant, leur mariage n’est pas exempt de tensions. Les infidélités mutuelles jalonnent leur relation : Joséphine entretient des liaisons avec Barras, le général Hoche, Hippolyte Charles, et d’autres encore, tandis que Napoléon s’éprend de Pauline Fourès. Si ces écarts sont tolérés dans la haute société de l’époque, ils n’en demeurent pas moins, source de jalousie et d’inquiétudes, notamment envers Joséphine, dont le premier mariage a fragilisé la confiance en elle-même. Par ailleurs, l’épouse d’un homme aussi puissant que Napoléon ne pouvait se permettre la moindre faute sans en subir les conséquences.
Malgré tout, Joséphine reste une alliée politique de premier ordre. Elle joue un rôle clé lors du coup d’État du 18 Brumaire et tout au long de l’Empire, consolidant les relations de Napoléon avec les élites. Profondément attachés l’un à l’autre, ils forment un couple complexe, marqué par des crises, mais inséparable dans leur quête commune de grandeur.
Joséphine, l’impératrice sacrée et l’âme romantique de la Malmaison
En 1804, Napoléon Bonaparte accède au trône impérial et, contre les réticences de certains partisans du Consulat, décide de couronner lui-même son épouse. Cet instant solennel, immortalisé par le pinceau de David, montre Napoléon déposant la couronne sur la tête de Joséphine, un geste chargé d’amour et de reconnaissance. Ce couronnement place Joséphine au cœur de la grande Histoire, symbolisant son rôle indissociable du destin impérial.
En tant qu’impératrice, Joséphine brille par son élégance et son raffinement. Mesurant un mètre soixante-trois, dotée d’une taille gracile, des cheveux brun doré et des yeux d’un bleu profond, elle possède un charme inimitable. Mais au-delà de son apparence, elle séduit par ses qualités personnelles : une patience admirable, une indulgence naturelle, une grande générosité et une mémoire exceptionnelle. Pourtant, Joséphine n’échappe pas à ses travers : jalousie, propension au mensonge et goût immodéré pour le luxe, accumulant des dettes vertigineuses. Elle s’implique même dans des intrigues politiques, fournissant des informations à Fouché et participant à des trafics lors de la campagne d’Italie.
L’Histoire a souvent réduit Joséphine à une coquette frivole et dépensière, oubliant la profondeur de son caractère et son tempérament enjoué. Elle apporte une stabilité affective à Napoléon, tempérant ses emportements et l’accompagnant dans ses efforts de réconciliation nationale. Leur complicité est indéniable, même dans les moments de tension. Lors d’une querelle, Joséphine, le regard perçant, demande à Napoléon quelle femme l’a accompagné la veille, le forçant à faire chambre à part.
La Malmaison, sous l’influence de Joséphine, devient un écrin romantique, un refuge où elle laisse libre cours à sa passion pour la botanique. Elle y rassemble des plantes exotiques, rappelant les paysages luxuriants de sa Martinique natale, et transforme le domaine en un paradis végétal.
Napoléon lui-même reconnaît le rôle central de Joséphine dans sa vie et son règne. Ses mots, empreints de sincérité et de ferveur, témoignent de cet attachement :
« Tu sais que je n’ai jamais aimé, que Joséphine est la première femme que j’adore. Sa maladie me met au désespoir. »[2]
« Vivre par Joséphine ! Voilà l’histoire de ma vie. » [3]
Joséphine n’est pas seulement l’épouse d’un empereur, mais aussi une femme à l’esprit vif, une alliée indéfectible et l’incarnation de l’élégance impériale.
Joséphine, l’impératrice des cœurs et la femme inoubliable de Napoléon
Malgré sa position d’épouse impériale, Joséphine porte le lourd fardeau de son infertilité. Après une fausse couche en 1796 et de multiples cures infructueuses, elle finit par accepter que le problème vienne d’elle. Cette stérilité la meurtrit profondément, d’autant plus qu’elle désirait ardemment offrir un enfant à Napoléon, non pour la couronne, mais par amour. Pourtant, leur relation demeure empreinte d’une tendresse inébranlable. Joséphine reste pour Napoléon un havre de paix, la figure apaisante qui équilibre son tempérament impétueux.
En 1807, la dynamique du couple change lorsque Napoléon tombe éperdument amoureux de Marie Walewska, qui lui donne un fils en 1809. Bien qu’il reste attaché à Joséphine, Napoléon prend la difficile décision de divorcer pour lui garantir une descendance légitime. Le Sénat dissout leur mariage le 16 décembre 1809, et l’annulation officielle intervient le 14 janvier 1810. Cependant, Napoléon veille à préserver l’honneur de Joséphine, lui permettant de conserver son titre d’impératrice et en lui allouant une rente confortable, bien qu’amenuisée avec le temps. Leur dernier moment de bonheur partagé se déroule en 1808 à Bayonne, dans une scène intime et joyeuse où Napoléon, dans un élan d’espièglerie, retire les chaussures de Joséphine, la poursuit et l’éclabousse dans l’eau.
Malgré leur séparation, les deux amants continuent de se voir à plusieurs reprises, à des dates souvent négligées par les historiens : les 16 et 25 décembre 1809, les 6 janvier et 3 février 1810, ainsi que les 13 juin 1810 et 30 avril 1812. Leur lien demeure inaltérable, transcendant les conventions de l’époque.
Joséphine, fidèle à son rôle d’amie et d’alliée, accueille même Marie Walewska et son fils à la Malmaison. Mais derrière cette apparente sérénité, elle endure de grandes douleurs personnelles : la perte de sa mère en 1807 et celle de son petit-fils bien-aimé, Napoléon-Charles, la même année. Elle soutient avec dévouement sa fille Hortense, prisonnière d’un mariage malheureux avec Louis Bonaparte, le frère de Napoléon, un arrangement que Joséphine regrette amèrement.
La vie de Joséphine s’achève le 29 mai 1814, victime d’une angine gangréneuse. Sa disparition marque la fin d’une époque, mais son souvenir reste vivace, notamment dans le cœur de Napoléon. Exilé à Sainte-Hélène, il confie avec une émotion rare :
« Adieu ma chère Joséphine, résignez-vous ainsi que moi, et ne perdez jamais le souvenir de celui qui ne vous a jamais oubliée et ne vous oubliera jamais ». [4]
Il ajoute :
« Vivre par Joséphine ! Voilà l’histoire de ma vie. » [5]
Joséphine demeure l’incarnation de l’amour et du sacrifice, une femme inoubliable qui a marqué à jamais l’histoire de Napoléon et de l’Empire.
Joséphine de Beauharnais : l’impératrice au cœur d’une époque
Joséphine de Beauharnais ne fut pas seulement une impératrice. Avant tout, elle était une fille, une épouse, une mère dévouée et une femme indépendante. Si l’Histoire a souvent réduit son image à celle d’une coquette volage, elle était infiniment plus complexe : une femme subtile, résiliente, rieuse et dotée d’une force intérieure remarquable.
Son rôle auprès de Napoléon dépasse celui d’une simple compagne. Par son soutien sans faille, elle lui a permis de s’élever, lui offrant cette stabilité émotionnelle et politique qui a consolidé sa marche vers la grandeur. Plus qu’une épouse, elle fut une alliée et une muse, capable de tempérer ses orages et d’accompagner son génie avec une intelligence rare.
Joséphine demeure l’une des figures féminines majeures de l’Histoire, une âme sœur qui a marqué son époque par sa finesse, sa bonté et son engagement. À travers le geste immortalisé dans le tableau de son sacre, où Napoléon lui-même pose la couronne sur sa tête, leur lien devient symbole d’éternité. Ce couronnement n’est pas seulement celui d’une impératrice, mais celui d’une femme qui a laissé une empreinte éternelle sur le cœur de l’Empire et sur celui de Napoléon.
Références
Deville, Françoise. Moi la Malmaison, l’amie intime de Joséphine. Paris : Les éditions de la Bisquine, 2018.
Napoléon, Lettres d’amour à Joséphine, p.16.
Napoléon, Lettres d’amour à Joséphine, p. 55.
Napoléon, Lettres d’amour à Joséphine, p.16.
- Napoléon, Lettre d’amour à Joséphine, p. 55.
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