Avez-vous entendu parler de la Tigresse bretonne ? De la Lionne sanglante ? La fameuse Lionne de Bretagne ? Une femme pirate au Moyen Âge , intrépide et redoutable ? Allons bon ! Il est temps de découvrir Jeanne de Belleville.
Née dans le Poitou aux alentours de 1300, Jeanne appartient à une famille noble vendéenne possédant les terres de l’île d’Yeu et de l’île de Noirmoutier, entre autres. Elle est la fille du seigneur de Belleville. Son père possède également des terres en Bretagne. En 1312, son père lui fait épouser un noble breton, Geoffroy, seigneur de Châteaubriant.
Plus tard, après le décès de son premier époux, Jeanne se remarie en 1330 avec Olivier de Clisson, un jeune noble appartenant à une célèbre maison bretonne. Ils ont ensemble quatre enfants. Elle mène une vie tout à fait banale selon les us médiévaux, entre éducation des enfants, promenades, parties de chasse.
À partir de 1337 et du déclenchement de la Guerre de Cent Ans, la Bretagne est bouleversée par les conflits. Deux prétendants s’affrontent pour la Succession du Duché de Bretagne : Jean de Montfort (frère du dernier duc breton) et Charles de Blois (gendre du dernier duc breton). Le dernier est avantagé grâce à ses larges revenus, son réseau et l’appui des soldats du roi de France. Jean de Montfort peut s’appuyer sur la petite et moyenne noblesse bretonne. Le mari de Jeanne, Olivier de Clisson, prend part au conflit, en faveur de Jean de Montfort.
Alors que les conflits connaissent une accalmie, Olivier de Clisson se rend à Paris pour participer à un tournoi. De nombreux chevaliers participent régulièrement à ce type d’événements afin de s’enrichir (les gagnants récupèrent les armes des perdants). En juillet 1343, en plein milieu du tournoi, le mari de Jeanne est arrêté sur ordre du roi. Entre autres, Olivier de Clisson est accusé d’avoir soutenu Jean de Montfort contre Charles de Blois, il aurait également conspiré contre le trône de France dans une alliance secrète avec le roi d’Angleterre, ce qui relève de la trahison vis-à-vis du roi de France.
Malgré l’absence de preuves, le roi Philippe VI est convaincu de sa culpabilité et condamne Olivier de Clisson à la décapitation pour félonie (trahison). Son procès-verbal indique qu’il a eu la tête tranchée, le corps porté au gibet de Montfaucon et la tête envoyée à Nantes pour être exhibée. C’est un véritable coup de tonnerre, la plupart du temps, le roi pardonne la trahison. Il n’est pas habituel, à l’époque, d’exécuter des nobles importants. Par ricochet, son épouse Jeanne est bannie du royaume.
Selon la légende, Jeanne récupère la tête de son époux après avoir fait promettre à ses enfants de tout faire pour venger la mémoire de leur père. Elle aurait développé une haine farouche envers le roi de France et n’aspire plus qu’à la vengeance. Elle se lance dans une véritable guerre privée contre lui.
Après avoir rassemblé près de 400 hommes, elle organise la prise de la garnison royale la plus proche. Elle profite de l’ignorance du commandant de la place forte pour dissimuler ses soldats dans la forêt et se présenter avec une quarantaine d’hommes seulement. Le commandant, sans raison de se méfier, abaisse le pont-levis et l’accueille. Jeanne et ses hommes se rendent rapidement maîtres des lieux et massacrent la garnison avant de piller la place-forte. Le commandant réussit à s’enfuir.
Alors que Charles de Blois organise la reprise des lieux, il est trop tard. Jeanne a déjà récupéré le butin et elle est en route pour attaquer une autre place-forte. Elle utilise toute la fortune qu’elle amasse pour financer l’attaque des troupes favorables à la France en Bretagne. Elle va piller un grand nombre de châteaux. Les chroniqueurs de l’époque notent des actes de cruauté et des massacres impitoyables. C’est comme si Jeanne, par le sang et la violence, vengeait l’honneur de son mari. Rapidement, elle est convoquée par le roi pour expliquer son comportement. Très peu confiante en la justice du roi, elle refuse de s’y rendre.
Après ses différentes attaques, Jeanne décide de prendre la mer pour tenter de fuir en Angleterre, étant bannie du royaume de France. En parallèle, le Parlement de Paris lui intente un procès : ses biens lui sont confisqués. Elle prend donc la mer et, sur son chemin, fait tuer de nombreux marchands de bateaux français, ce qui contribue à la faire connaître et à faire naître sa légende de Lionne sanglante et de Tigresse bretonne. Selon cette légende, ne pouvant pas atteindre directement le roi de France, elle attaque systématiquement, avec ses deux fils, les navires français qu’elle rencontre. Vêtue d’une armure, l’épée à la main, Jeanne se serait toujours lancée la première à l’abordage. Une chronique normande du XIVe siècle précise qu’elle « mettait à mort sans merci tous les Français tombés entre ses mains ». En réalité, ce serait parce que des soldats du roi l’attendaient sur la côte que Jeanne était forcée de piller ces bateaux afin de trouver de quoi survivre. Cette guerre navale dure neuf mois, alors que le roi finit par envoyer des vaisseaux se saisir de Jeanne. Elle réussit à s’enfuir en barque avec ses deux fils mais ils peinent à survivre, dérivant sans eau et sans nourriture.
Jeanne finit par atteindre l’Angleterre et épouse un lieutenant du roi Édouard III combattant contre le roi de France, auprès de Jean de Montfort. Peu à peu, elle cesse ses agissements de « Tigresse bretonne », cherchant à récupérer ses domaines par des moyens plus pacifiques, sans grand succès. Elle meurt vers 1359 et son fils, Olivier V de Clisson parvient à récupérer, peu à peu, les domaines et châteaux confisqués à sa famille, en servant les rois de France Charles V puis Charles VI.
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